jeudi 25 avril 2024
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Covid-19 et cancer : Les médecins appellent à ne pas renoncer aux soins

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À l’occasion de Mars Bleu, mois de prévention et de sensibilisation au cancer colorectal, les médecins alertent sur les prises en charge tardives des malades, en raison de l’épidémie de Covid-19.

C’est l’un des effets collatéraux de la pandémie de Covid-19. De plus en plus de personnes renoncent à des soins soit par peur d’être contaminées, soit pour des raisons financières liées à la crise sanitaire. Et les conséquences sur leur santé sont dramatiques puisque ce renoncement aux soins conduit bien souvent à des retards de diagnostic et à des arrêts ou reports de traitement, mettant en péril de nombreuses vies. C’est la raison pour laquelle à l’occasion de Mars Bleu, consacré à la lutte contre le cancer colorectal, les médecins du Centre hospitalier princesse Grace (CHPG) ont décidé de tirer la sonnette d’alarme.

20 % de diagnostics en moins en 2020

« La crise sanitaire a eu un fort impact, puisqu’elle a énormément limité l’activité de dépistage, témoigne le docteur Antoine Charachon, chef du service Endoscopies digestives du centre hospitalier princesse Grace. D’habitude, nous avons environ 200 nouveaux patients diagnostiqués pour un cancer colorectal chaque année au CHPG. Mais d’après les chiffres encore provisoires dont nous disposons, nous constatons une baisse de 20 % de diagnostics sur l’année 2020 », révèle-t-il. Ce qui en fait autant de malades qui s’ignorent. Outre la crainte de la contamination qui a poussé certains patients à déserter les cabinets médicaux et les hôpitaux, cette chute drastique du nombre de nouveaux diagnostics s’explique aussi par la période de confinement, au cours de laquelle un certain nombre d’activités ont été déprogrammées et des services mis en sommeil au profit du Covid-19. « En mars-avril-mai, notre activité a fortement baissé en endoscopie puisqu’on n’assurait plus que les urgences. On a tourné à 30 % d’activité. Et on n’a pas fait du tout de dépistage », explique le docteur Charachon. Résultat, d’importants retards ont été enregistrés dans la prise en charge des patients et il a fallu plusieurs mois avant de parvenir à les combler : « Le dépistage a été reporté sur les mois suivants avec un étalement du nombre d’endoscopies puisque ça concernait environ 300 reports d’endoscopies de dépistage. On a fini par rattraper notre retard à la fin de l’année ».

« Il y a un certain nombre de patients qui sont passés au travers des mailles et pour lesquels on espère qu’il n’y aura pas de catastrophe. Mais nous n’en sommes pas encore certains aujourd’hui » Docteur Antoine Charachon. Chef du service Endoscopies digestives du CHPG

Retards de diagnostic

Aujourd’hui, les dépistages systématiques ont repris au centre hospitalier princesse Grace mais le docteur Charachon estime que ce retard ne restera pas sans conséquence. « Il y a un certain nombre de patients qui sont passés au travers des mailles et pour lesquels on espère qu’il n’y aura pas de catastrophe. Mais nous n’en sommes pas encore certains aujourd’hui », prévient-il. Et d’alerter : « On rattrape le retard diagnostic mais avec parfois des cancers plus avancés. […] Car le risque, c’est d’arriver au moment du diagnostic à un stade plus avancé, et donc avec un pronostic moins favorable. Il faut savoir que quand on dépiste un cancer du côlon précocement, on a environ 90 % de chance de guérir complètement de cette maladie. Alors que quand on arrive à un stade plus tardif, on arrive à des survies de l’ordre de 20 à 30 % », détaille le chef de service précisant n’avoir, pour le moment, constaté « aucun cas très évident au CHPG ». Alors que le cancer colorectal est responsable chaque année de « 10 à 20 décès » à Monaco, le Covid-19 pourrait donc alourdir ce terrible bilan dans les prochaines années, faisant des malades du cancer des victimes collatérales de la crise sanitaire. Car d’après une étude publiée en novembre 2020 dans le prestigieux British Medical Journal  (1), portant sur 1,27 million de patients, un retard de quatre semaines pour débuter un traitement engendrerait dix décès supplémentaires, un retard de huit semaines vingt décès supplémentaires et trente-et-un décès pour un retard de douze semaines.

« Le cancer colorectal est une maladie sérieuse mais si on fait du dépistage et si on prend les choses à temps, on a à peu près 90 % de chance de s’en sortir sans aucune séquelle » Docteur Antoine Charachon. Chef du service Endoscopies digestives du CHPG

« Faites-vous dépister ! »

Privés de campagne de sensibilisation en 2020 en raison de la crise sanitaire, les médecins du CHPG entendent donc profiter cette année de Mars Bleu pour rappeler l’importance du dépistage précoce — entièrement pris en charge à Monaco — et inciter les patients à ne pas renoncer à se déplacer dans les cabinets. « Faites-vous dépister. Consultez un gastro-entérologue ou votre médecin traitant. Vous êtes toujours le bienvenu en consultation », encourage le docteur Charachon. « Le cancer colorectal est une maladie sérieuse mais si on fait du dépistage et si on prend les choses à temps, on a à peu près 90 % de chance de s’en sortir sans aucune séquelle ». Le jeu en vaut donc la chandelle.

1) « Mortality due to cancer treatment delay : systematic review and meta-analysis », BMJ 2020 ; 371 doi : https://doi.org/10.1136/bmj.m4087 (Published 04 November 2020)