Alors qu’un cas positif de coronavirus a été détecté en principauté, le gouvernement continue d’ajuster son dispositif.

Le prince Albert prône la vigilance, tout en indiquant que Monaco se prépare à traiter ses propres patients.

«Une Cannoise serait la première azuréenne à avoir été identifiée comme porteuse du coronavirus Covid 19. Au moment où j’écris ces lignes, après plusieurs échanges avec le préfet des Alpes-Maritimes et le responsable de l’Agence régionale de la santé (ARS), j’ignore encore son identité. Son état de santé serait satisfaisant et ne nécessite pas d’inquiétude d’après les autorités sanitaires. » C’est par ces mots que le maire Les Républicains (LR) de Cannes, David Lisnard a révélé, le 28 février 2020 à 11 heures, que le premier cas de coronavirus concernait sa ville. Un brin fataliste, Monaco attendait, sachant qu’il serait sans doute impossible de passer indéfiniment au travers de cette épidémie. Quelques heures après David Lisnard, peu après 23 heures le 28 février, le gouvernement a fait état, à son tour, d’un cas positif au Covid 19. Là encore, son état n’était pas jugé inquiétant, mais, afin de suivre le dispositif franco-monégasque, ce résident a été transféré vers le service d’infectiologie du CHU de Nice. « Son entourage (une personne) a été confiné à domicile avec une prise en charge conforme aux procédures arrêtées par la principauté de Monaco. Une enquête épidémiologique est engagée afin de connaître les déplacements opérés par le patient au cours des derniers jours et identifier les personnes avec lesquelles il aurait été en contact », ajoute le communiqué du gouvernement. La petite amie de ce résident a par la suite été aussi testée positive au Covid 19. Alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 3 mars 2020, un peu moins d’une dizaine de cas étaient traités sur la Côte d’Azur, dont un enfant de seulement trois ans, a révélé le maire LR de Nice, Christian Estrosi, le 2 mars 2020. Au total, le coronavirus a fait un peu de plus de 3 000 victimes dans le monde, dont 7 en France pour plus de 423 cas confirmés.

© Photo Conseil National.

« Chacun doit éviter les effets d’annonce, les surenchères ou les “fake news” anxiogènes, qui ne pourraient qu’affoler la population et déclencher des comportements irrationnels »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

Confinement

Face à la forte inquiétude générée par cette épidémie, le gouvernement a précisé chaque jour un peu plus le contenu de son plan. A raison de presque une conférence de presse par jour, le conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Didier Gamerdinger, épaulé par son collègue des finances, Jean Castellini, et enfin par le ministre d’Etat, Serge Telle le 2 mars, ont tour à tour diffusé un message d’apaisement et de raison. Chine, Singapour, Corée du Sud, Thaïlande, Japon, Taïwan, Malaisie, Italie (régions de Lombardie, de Vénétie et d’Emilie-Romagne)… Autant de destinations que le gouvernement a pointé comme des « zones à risque » et qu’il déconseille. Celles et ceux qui reviendraient en principauté après avoir séjourné dans l’une de ces zones seront soumis à des mesures de confinement. Ce sera le cas du conseiller-ministre pour l’Intérieur, Patrice Cellario. Selon Monaco-Matin, il séjourne en Chine à titre privé et devra donc respecter un délai de 14 jours à son domicile avant de pouvoir réintégrer son bureau. Du coup, du côté de la mairie de Monaco, le maire Georges Marsan a instauré les mêmes règles, pendant que la Société des bains de mer (SBM) a tout simplement supprimé les déplacements dans les zones dites « à risque ». « Les autorités monégasques ne préconisent pas, à ce stade, d’annulations ou de reports des manifestations. Cette position sera revue régulièrement », a indiqué Jean Castellini, tout en précisant qu’il sera recommandé aux organisateurs de ne pas « convier des personnes venant de zones exposées ». Tous les lieux publics de la principauté ont vu leurs mesures d’hygiènes renforcées, avec des nettoyages plus fréquents. Si le gouvernement estime qu’il est trop tôt encore pour connaître l’impact du coronavirus sur l’économie monégasque, il n’écarte pas cette possibilité, même si elle est décalée dans le temps. Du côté de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), face au coronavirus, ce n’était pas l’optimisme qui primait le 2 mars 2020. Une chute de la croissance mondiale à + 2,4 % en 2020 est envisagée, soit son niveau le plus bas depuis les crises financières de 2008-2009. En 2019, la croissance mondiale était de 2,9 %. Pour justifier cette prévision, l’OCDE estime que « par rapport à la situation qui prévalait lors d’épisodes comparables, comme celui du SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère — N.D.L.R.] en 2003, les interdépendances dans l’économie mondiale sont désormais bien plus grandes qu’elles ne l’étaient et la Chine joue aujourd’hui un rôle bien plus important ».

« Mêmes mesures de solidarité »

En ce qui concerne les entreprises et leurs salariés, ceux qui ont des doutes sur leur état de santé doivent contacter l’un des deux médecins inspecteurs de santé publique mis à disposition par le gouvernement (1). « Après un entretien avec le patient, ces médecins établiront un certificat justifiant l’absence au travail, déclenchant les indemnités journalières payées par les caisses sociales sans délai de carence. Le salarié qui se voit ainsi contraint de rester confiné chez lui ne perdra rien de son revenu. Cette mesure d’indemnisation est valable tant pour les salariés du secteur privé que pour les salariés du secteur public », indique le gouvernement. Quant aux presque 5 000 travailleurs indépendants de la principauté, le 27 février, le gouvernement a indiqué dans un premier temps qu’ils ne toucheraient aucune indemnité. Une décision qui n’a pas été du goût du président du Conseil national, Stéphane Valeri, pas plus que du président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses, Christophe Robino, ou du président de la commission pour le suivi du fonds de réserve et la modernisation des comptes publics, Jean-Louis Grinda. Dans un courrier adressé au ministre d’Etat, Serge Telle, ils se disent « étonnés » d’une telle décision, et demandent « au nom de la solidarité et de l’équité » que des « mesures de compensation, financées à titre exceptionnel par le budget de l’Etat » soient appliquées à toutes les personnes qui relèvent de la Camti, l’organisme qui gère les travailleurs indépendants. « Comme l’a rappelé justement, le conseiller-ministre des finances et de l’économie, dans la presse du jour « l’intérêt économique ne prime pas sur la santé […] A situations exceptionnelles, mesures exceptionnelles ». Face à cette situation inédite, il serait injuste et inacceptable de faire une distinction en fonction du régime social auquel les actifs sont affiliés : tous doivent bénéficier des mêmes mesures de solidarité qu’ils soient salariés, fonctionnaires ou travailleurs indépendants », ont ajouté ces trois élus. Leur appel a été entendu, puisque, dans un communiqué du 1er mars, le gouvernement a finalement annoncé qu’il indemniserait les travailleurs indépendants concernés par le confinement : « A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Bien qu’ils ne cotisent pas de la même manière que les travailleurs salariés, le gouvernement princier met en oeuvre des mesures de soutien aux travailleurs indépendants à travers la mobilisation du fonds social. » Reste les cas particuliers, comme les salariés qui travaillent pour des entités qualifiées « d’opérateurs d’importance vitale » par le gouvernement. Ceux-là pourront continuer à travailler en portant un masque ou en réalisant un relevé de température régulier.

© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« Psychose collective »

Reste tout de même à faire face à un climat de peur contre lequel les autorités semblent avoir bien du mal à faire face. Conscient de cet état de fait, Stéphane Valeri a communiqué sur sa page Facebook : « La coordination avec la France est optimale. Notre système de santé est prêt. Les autorités et les professionnels sont mobilisés », a estimé le président du Conseil national, avant de reconnaître qu’« informer la population, dans ces moments particulièrement sensibles, peut néanmoins s’avérer être un exercice compliqué. Ce phénomène nouveau peut provoquer en outre des comportements irrationnels, menant à une possible psychose collective. Il est donc nécessaire aujourd’hui d’en appeler à la raison et au pragmatisme de chacun. Faisons preuve de bon sens et de responsabilité, individuelle, familiale et collective ». Et pas question de tomber dans une multiplication sans fin des demandes liées à la sécurité sanitaire à Monaco, ajoute Stéphane Valeri : « Chacun doit éviter les effets d’annonce, les surenchères ou les “fake news” anxiogènes, qui ne pourraient qu’affoler la population et déclencher des comportements irrationnels. Toute demande de mesures exagérées et inutiles, ajoutée aux décisions pragmatiques des autorités, ne pourrait que nuire de façon disproportionnée à la vie sociale et au fonctionnement économique de la principauté. » Il suffit de se pencher sur les chiffres communiqués par le gouvernement sur le nombre d’appels téléphoniques reçus lors du week-end du 29 février-1er mars pour mesurer l’angoisse d’une partie des résidents de la principauté : avec 121 e-mails et près de 200 appels téléphoniques sur l’ensemble du week-end, l’inquiétude reste palpable. Conscient qu’il reste encore beaucoup à faire sur le terrain de la désescalade face à un virus qui affole toujours autant, le gouvernement a continué à se multiplier devant les médias. Le 2 mars, c’est donc au tour du ministre d’Etat, Serge Telle, de se montrer rassurant face à la presse, tout en mettant tout le monde devant ses responsabilités : « Face à cette épidémie, nous sommes prêts et mobilisés. Mais l’Etat ne peut pas tout. C’est aussi l’affaire de chacune et chacun d’entre nous. Par nos comportements, nous pouvons favoriser ou ralentir la propagation du virus ». Afin de satisfaire la demande des élus du Conseil national, le ministre d’Etat a confirmé qu’il avait proposé à Stéphane Valeri la tenue d’une réunion « d’information et d’échanges » qui devrait se dérouler dans les « prochains jours ». A ses côtés, le conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Didier Gamerdinger s’est dit satisfait de l’organisation du dispositif entre les services du gouvernement et le centre hospitalier princesse Grace (CHPG), avant d’indiquer qu’il avait été décidé de renforcer les équipes de la direction de l’action sanitaire. L’équipe médicale passe de deux à cinq professionnels de santé, car les appels continuent d’affluer et il devient impossible de faire face. « 175 appels rien qu’aujourd’hui [2 mars 2020 — N.D.L.R.], un nombre en hausse, ce qui est normal, compte tenu du retour des vacances, notamment des zones à risque, et des levées de doutes que cela engendre », a précisé Didier Gamerdinger. Quelques chiffres ont été donnés par le gouvernement concernant les salariés revenus de zones « à risque » : dans le secteur privé 236 demandes ont été validées, 62 dans le secteur public et seulement 2 chez les travailleurs indépendants. Du côté des écoles, la rentrée du 2 mars a été marquée par l’absence d’un élève sur cinq. L’inquiétude des parents s’est donc matérialisée par 20 % d’absentéisme sur 5 600 élèves, dont 192 revenaient d’une zone « à risque ». Du côté des 858 enseignants, 5 % étaient absents. Enfin, dans les crèches monégasques, 9 enfants étaient absents.

© Photo Gaetan Luci / Palais Princier

« Il ne faut surtout pas céder à la panique, ni à la sinistrose, ni à une inquiétude excessive », a lancé le prince Albert II dans Monaco-Matin

Stratégie

C’est finalement le prince Albert II qui a pris la parole dans les colonnes de Monaco-Matin le 3 mars. Il a indiqué que des médecins à la retraite se sont portés volontaires pour venir renforcer les équipes du CHPG : « Ce sera d’autant plus nécessaire que, il y a quelques heures, la France nous a demandé de nous préparer à garder en principauté les patients porteurs du coronavirus, lorsque le CHU de Nice ne sera plus en capacité de les accueillir. » En cas de surcharge du CHPG, le prince Albert a expliqué que son gouvernement réfléchissait à mettre en place une hospitalisation à domicile pour les cas les moins graves. Les médecins se déplaceront donc au domicile de chaque patient infecté. Quant aux manifestations qui animent toute l’année la principauté, celles qui se déroulent dans un espace confiné se dérouleront soit sans spectateur pour l’ASM Basket, soit seront reportés à plus tard, comme pour le salon Magic (lire notre article dans ce numéro). En revanche, les événements qui se déroulent partiellement à l’extérieur sont maintenus, comme le salon international de l’automobile de Monaco (Siam) qui se déroule du 5 au 8 mars. Alors que beaucoup d’experts s’accordent à dire que la France devrait franchir le seuil de l’épidémie dans les jours qui viennent, la stratégie a donc évolué en conséquence. On est donc passé du confinement de 14 jours pour les personnes « à risque » à l’annulation pure et simple pour les grands rassemblements. Le marathon de Paris a donc été annulé, le Mipim, le salon international de l’immobilier qui devait réunir 25 000 professionnels à Cannes (Alpes-Maritimes) du 10 au 13 mars, a été reporté à juin, et la foire de Nice a été tout simplement annulée, tout comme le salon du livre qui devait se dérouler du 20 au 23 mars à Paris. Face à cette situation, « il ne faut surtout pas céder à la panique, ni à la sinistrose, ni à une inquiétude excessive, a lancé le prince Albert II dans Monaco-Matin. […] Nous aurons probablement d’autres cas de personnes infectées. Il convient […] de prendre toutes les précautions. Mais ne nous empêchons pas de continuer à vivre le plus normalement possible. » Il faudra en tout cas de la patience, face à une situation qui promet de n’évoluer que lentement, comme le pensent beaucoup d’experts. Il faudra donc continuer à conjuguer patience et vigilance, estime Albert  II : « Cette situation va durer quelques semaines, voire plus. Nous devons nous résoudre à cette idée. Et, je le répète, le gouvernement continuera de tenir informée la population monégasque le plus souvent possible, et toujours dans une transparence absolue. »

1) Il s’agit du docteur Eric Voiglio (98 98 48 50, les jours ouvrés — evoiglio@gouv.mc), ou du docteur Julie Biga (98 98 44 35, les jours ouvrés — jbiga@gouv.mc). En cas de symptômes (fortes fièvres et des signes respiratoires de type toux ou essoufflement), contacter directement les pompiers au 18 ou 112. Pour éviter tour risque de contamination, il ne faut pas se rendre chez son médecin traitant ou aux urgences.

Coronavirus à Monaco : La réaction de la population

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ZpneZrsj57U[/embedyt]