jeudi 28 mars 2024
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Christophe Robino : « Aujourd’hui, le salaire n’est plus le principal critère »

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Alors que l’attractivité du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) n’a jamais semblé autant remise en question, le gouvernement princier a décidé de prendre le sujet à bras-le-corps, comme le confie à Monaco Hebdo le conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Christophe Robino.

En France, l’hôpital public peine aujourd’hui à recruter du personnel qualifié : est-ce aussi le cas du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) ?

Bien évidemment, le CHPG n’échappe pas à la tendance générale constatée en France. Toutefois, si l’établissement reçoit, actuellement, peu de candidatures, la situation n’est pas comparable. Nous pouvons nous appuyer sur les promotions qui, tous les ans, sortent de notre Institut de formation de soins infirmiers (IFSI), soit 35 élèves. Nous restons, bien sûr, très attentifs à cette situation.

Comment expliquez-vous ces difficultés ?

C’est une mouvance générale, qui s’intensifie depuis la crise sanitaire, et qui conduit aujourd’hui de nombreux salariés à privilégier la qualité de vie aux seuls critères salariaux, et à rechercher des professions moins contraignantes, notamment en termes d’horaires. Plusieurs autres secteurs d’activité sont également, et pour les mêmes raisons, concernés, comme les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration.

« C’est une mouvance générale, qui s’intensifie depuis la crise sanitaire, et qui conduit aujourd’hui de nombreux salariés à privilégier la qualité de vie aux seuls critères salariaux et à rechercher des professions moins contraignantes »

Peut-on parler de crise de vocation ?

Il est trop tôt pour le dire, les promotions de l’IFSI et de l’Institut de formation d’aides-soignants (IFAS) sont au complet. Ce phénomène que nous constatons est encore trop récent pour l’attribuer à une réelle crise des vocations.

Quelles sont les pistes explorées par le gouvernement pour renforcer l’attractivité du CHPG ?

Au regard de l’évolution des attentes des professionnels de santé, du marché de l’emploi devenu de plus en plus concurrentiel et de la transformation de l’offre et de la demande de soins, les actions mises en place pour améliorer les conditions de travail du personnel hospitalier se sont intensifiées depuis la crise sanitaire, afin de maintenir l’attractivité de l’hôpital. Elles portent principalement sur la qualité de vie au travail pour faciliter la vie quotidienne des agents (crèches (1), parkings, formations, etc.), les revalorisations salariales et l’évolution de l’organisation de travail, avec, à terme, la disparition des horaires coupés, notamment.

« Les actions mises en place pour améliorer les conditions de travail du personnel hospitalier se sont intensifiées depuis la crise sanitaire, afin de maintenir l’attractivité de l’hôpital »

Le salaire est-il toujours le levier principal ?

Comme je vous l’indiquais, compte tenu de l’évolution des aspirations des salariés, aujourd’hui le salaire n’est plus le principal critère, et ne peut résumer l’action des politiques publiques dans le domaine de l’emploi.

L’idée d’une construction de logements pour accueillir les salariés du CHPG a été évoquée : où en est ce projet ?

Une réflexion globale est menée par le gouvernement princier concernant le logement des actifs de la principauté, et pas seulement les agents hospitaliers. Dans ce cadre, des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux, mais également avec la France, d’une part, au niveau local, avec la métropole Nice Côte d’Azur et la communauté d’agglomération de la Riviera Française (CARF). Et, d’autre part, au niveau national notamment, liées aux obligations découlant pour les communes de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU).

Christophe Robino
© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

L’accessibilité du CHPG semble être un problème majeur : que fait l’État pour l’améliorer ?

L’accessibilité est, bien évidemment, au centre de nos préoccupations et des débats. Le nombre d’abonnements de parking mis à disposition des personnels doit obligatoirement évoluer avec la livraison du parking d’entrée de ville situé au Jardin Exotique et celle, à terme, du parking du nouveau centre hospitalier princesse Grace (NCHPG). Ils permettront de rapprocher les agents de leur lieu de travail, en évitant les transferts en navettes depuis d’autres parkings, plus éloignés.

Qu’en est-il du transport ferroviaire ?

Quant au transport ferroviaire, c’est certainement, à terme, une solution à considérer. Les équipes du département de l’équipement, de l’environnement, et de l’urbanisme sont pleinement mobilisées sur ces questions, dans le cadre d’une réflexion structurante pour la principauté, comme l’a d’ailleurs rappelé récemment Céline Caron-Dagioni en séance publique du Conseil national.

Quels moyens Monaco met-il en œuvre pour conserver les personnes qu’il forme sur son territoire, issues notamment de l’IFSI et de l’IFAS ?

C’est la combinaison de l’ensemble des solutions que nous venons d’évoquer, en sachant que les salaires proposés au CHPG sont supérieurs à ceux perçus dans le pays voisin, que les conditions de travail demeurent bien meilleures que dans les établissements du département voisin, notamment du fait d’un ratio personnels/lits bien supérieur, et de moyens matériels mis à disposition des personnels bien supérieurs.

Le docteur Brunner, un des colistiers de L’Union nationale monégasque à la prochaine élection nationale du 5 février 2023, a évoqué le recrutement de praticiens « de pays éloignés » et les problèmes que cela engendrait au CHPG : problèmes de connaissance de l’offre médicale locale et régionale, problème de culture et parfois même de langue… Partagez-vous son constat ?

J’entends bien sûr les inquiétudes du docteur Brunner. Il est vrai que les filières habituelles de recrutement du CHPG se sont modifiées, en partie du fait de la diminution du numerus clausus des filières de formation médicales en France. Cela nous conduit à élargir nos recherches en potentiels candidats, ce qui nous expose, effectivement, à une moins bonne appréhension des habitudes et des attentes de la patientèle locale. Cela étant, s’agissant précisément du recrutement de médecins étrangers, nous sommes particulièrement attentifs à la qualité des titres et diplômes obtenus, à la maîtrise indispensable de la langue française, pour que notre offre de soins reste à son plus haut niveau. Il convient d’ailleurs de préciser que, dans le cadre des accords européens, de plus en plus d’étudiants français ou monégasques se rendent à l’étranger pour poursuivre leurs cursus universitaires, et qu’il nous faut en tenir compte.

Quels sont les modèles de la principauté dans le domaine de la santé et du soin ?

Historiquement parlant, nous sommes évidemment très proches du modèle français. Mais l’ambition du gouvernement princier est de développer un modèle original, adapté à nos spécificités et aux populations très diverses qui composent notre bassin de patientèle, pour les faire bénéficier d’un accueil qui corresponde à leurs attentes et exigences.

Quels sont les perspectives et les objectifs du gouvernement en termes de patientèle et de personnel pour le nouveau CHPG ?

En ce qui concerne la patientèle, la priorité reste bien sûr centrée sur les populations loco-régionales. Il est néanmoins nécessaire de favoriser l’attractivité dans le domaine médical, en recrutant une patientèle étrangère, recherchant une offre de soin de qualité, avec des exigences particulières, tant sur l’aspect technique que qualitatif. C’est dans ce cadre que l’unité de bilan a été créée, afin de développer en principauté une forme de « tourisme médical ». C’est un des enjeux d’avenir pour le NCHPG. Quant au personnel, même si nous sommes confrontés à des difficultés ponctuelles, comme je l’ai déjà mentionné, le ratio par patient reste très largement supérieur à celui du pays voisin, nous n’avons pas eu à déplorer la fermeture de lits faute de personnel soignant. Et l’impact éventuel reste très limité à des activités exigeant des compétences très spécialisées.

1) En moyenne, accueil de 150 enfants à la crèche du CHPG, pour une capacité de 100 places avec des modes d’accueil adaptés aux hospitaliers (roulements), et à des tarifs préférentiels. Source : chiffres communiqués par l’hôpital de Monaco.