jeudi 25 avril 2024
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Cancer colorectal « Les traitements ont révolutionné la survie des patients »

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À Monaco, le cancer colorectal est responsable de 10 à 20 décès chaque année, ce qui en fait l’un des cancers le plus meurtrier.

Pourtant, détecté à temps, il peut être guéri neuf fois sur dix. Dépistage, traitements, suivi… Monaco Hebdo fait le point sur cette maladie avec le docteur Antoine Charachon, chef du service endoscopies digestives du centre hospitalier princesse Grace (CHPG). Interview.

À qui s’adresse le dépistage ?

Tout dépend des antécédents et des symptômes. Si on n’a aucun antécédent et aucun symptôme, on doit aller vers un dépistage de sang dans les selles. C’est ce qui est fait au centre de dépistage du CHPG. Ensuite, on va proposer une coloscopie à tous les patients qui ont du sang dans leurs selles.

Et si on a des symptômes ?

Si on a des symptômes (constipation inhabituelle, douleurs abdominales, sang dans les selles…) ou des antécédents familiaux de polype ou de cancer de l’intestin, on réalise directement une coloscopie sans passer par le dépistage de sang dans les selles.

En quoi consiste le prélèvement de sang dans les selles ?

Il s’agit d’un petit prélèvement, qui est le plus souvent distribué par le médecin traitant ou par le centre de dépistage de l’hôpital. On recueille un peu de selles avec un ustensile, on l’enferme dans un boîtier et on l’envoie au centre de dépistage afin qu’il soit analysé en laboratoire. Si l’analyse est positive, les patients sont convoqués à l’hôpital pour réaliser une coloscopie.

« C’est plutôt un cancer de la personne de plus de 45-50 ans. Mais il arrive qu’on ait des diagnostics chez de jeunes adultes, en particulier quand il y a une prédisposition génétique que l’on peut parfois ignorer. Il ne faut donc pas négliger les symptômes quand on est jeune »

Le cancer colorectal touche-t-il plus souvent les hommes ou les femmes ?

Il touche presque autant les hommes que les femmes. Un peu plus les hommes que les femmes, c’est vrai. Pour autant, l’incidence baisse un peu chez les hommes alors qu’elle est constante chez les femmes.

Peut-il toucher de jeunes adultes ?

C’est plutôt un cancer de la personne de plus de 45-50 ans. Mais il arrive qu’on ait des diagnostics chez de jeunes adultes, en particulier quand il y a une prédisposition génétique que l’on peut parfois ignorer. Il ne faut donc pas négliger les symptômes quand on est jeune. Si on a une constipation inhabituelle ou du sang dans les selles, il faut consulter pour faire une coloscopie.

Le nombre de cancers colorectaux augmente-t-il ?

Ces dernières années, le nombre de cancers du côlon est stable. Il avait beaucoup augmenté à la fin du XXème siècle et au début du XXIème siècle. Mais les choses ont l’air de se stabiliser à l’heure actuelle.

Peut-on prévoir l’évolution d’un cancer colorectal ?

Oui, selon le stade auquel on fait le diagnostic. S’il s’agit d’un cancer superficiel de l’intestin, on peut l’enlever parfois même pendant la coloscopie et guérir avec la résection qui est faite pendant l’examen. Si le diagnostic intervient à un stade plus avancé, mais sans qu’il y ait d’envahissement des ganglions autour de l’intestin, on va guérir avec la chirurgie le plus souvent. Et s’il y a des ganglions ou des métastases ailleurs dans le corps, il faudra à ce moment-là envisager un autre traitement (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie ou les trois combinés…) pour essayer de guérir, avec parfois des guérisons alors même qu’on a une maladie métastatique.

Docteur Antoine Charachon, chef du service endoscopies digestives du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) ©CHPG

« Les traitements ont pas mal révolutionné la survie des patients qui avaient des stades avancés. En vingt ans, nous sommes passés d’une survie de six mois pour les patients qui avaient des métastases à une survie qui est de l’ordre de deux à trois ans aujourd’hui »

C’est un cancer qui se traite bien ?

Tous stades confondus, c’est un cancer qui guérit dans un peu plus de 60 % des cas. C’est donc un cancer de plutôt bon pronostic par rapport à d’autres cancers. Les traitements ont pas mal révolutionné la survie des patients qui avaient des stades avancés. En vingt ans, nous sommes passés d’une survie de six mois pour les patients qui avaient des métastases à une survie qui est de l’ordre de deux à trois ans aujourd’hui. La chimiothérapie a fait beaucoup de progrès pour traiter ces cancers.

Quels sont les traitements du cancer colorectal ?

Le premier traitement pour un cancer très superficiel, c’est la coloscopie. Il consiste à enlever le polype, qui est un cancer superficiel, pendant la coloscopie. Et souvent, cela suffit. Auquel cas il n’y a aucune conséquence particulière. Lorsque le cancer est un peu plus avancé, il y a la chirurgie. Elle consiste à enlever le morceau d’intestin sur lequel se trouve le cancer. Si c’est le côlon, en général il n’y a pas de conséquence fonctionnelle. En revanche, c’est plus embêtant lorsqu’il s’agit d’un cancer du rectum puisque dans ce cas, on va devoir enlever le rectum et parfois on ne pourra pas rétablir la continuité entre l’intestin et l’anus. On va donc se retrouver avec une colostomie, c’est-à-dire une poche. Enfin, quand les cancers sont plus avancés, le traitement est la chimiothérapie avec ses différentes conséquences (perte de cheveux, nausées et vomissements, fatigue…).

Qu’est-ce que la colostomie ?

Lorsque le cancer est trop bas, trop proche de l’anus, nous sommes obligés d’enlever le rectum et nous ne pouvons pas rétablir la continuité digestive. Le côlon va donc être suturé à la peau, sur le ventre. Il va y avoir comme un anus artificiel. Et on va poser sur la peau une poche en plastique qui va servir à recueillir les selles.

Les patients sont-ils formés à l’utilisation de cette poche ?

Oui, il y a une éducation. Nous avons une infirmière spécialisée à l’hôpital qui s’en occupe. Elle montre au patient comment se servir de la poche, comment la poser, comment l’entretenir… Il existe tout un tas de modèles différents de poches pour s’adapter à chaque patient. Et très vite, les patients deviennent autonomes. La colostomie fait très peur au départ mais une fois que l’infirmière a démystifié un petit peu la chose et éduqué le patient, les choses se passent très bien. Des sportifs de haut niveau vivent avec des poches et pratiquent leur activité sportive tout à fait normalement.

Ces poches sont-elles définitives ?

En général, ces stomies sont définitives lorsqu’on parle du cancer du rectum. En revanche, il arrive qu’on soit obligé de faire une colostomie provisoire lorsqu’on a un cancer du côlon et que le patient arrive à un moment où le cancer obstrue complètement l’intestin. Il y a alors une occlusion du côlon. Le chirurgien va commencer par dériver les matières pour lever l’occlusion en faisant une colostomie. Puis, la tumeur sera opérée dans un deuxième temps et le rétablissement de la continuité pourra se faire à ce moment-là. Il peut donc y avoir des stomies transitoires.

Un suivi psychologique est-il proposé aux patients stomisés ?

La stomie a un impact sur l’image corporelle. Elle a un impact qui est souvent fort au départ et au fur et à mesure, elle est de plus en plus acceptée. Mais effectivement, nous proposons un soutien psychologique au CHPG.

Quelle est la place des médecines complémentaires dans le traitement du cancer colorectal ?

Une attention particulière est portée à la nutrition. Parce qu’il faut encourager les patients à bien s’alimenter pour améliorer les résultats des différents traitements proposés. C’est le principal traitement additionnel que nous proposons au CHPG.

Quel est le suivi après un cancer colorectal ?

Le suivi repose sur différents examens : scanners, échographies, éventuellement un PET-scanner [tomographie par émission de positons – NDLR]. Il repose aussi sur la coloscopie puisque quand on a fait un cancer du côlon, on est susceptible d’en refaire d’autres. Et il faut à tout prix l’éviter. Cela signifie donc qu’il faut faire régulièrement des coloscopies pour rechercher et enlever les petits polypes avant qu’ils ne deviennent des cancers. Ces coloscopies sont répétées au début de façon assez précoce, un an après le cancer, puis deux à trois ans après le cancer. Enfin, tous les trois à cinq ans en fonction de ce que l’on trouve à chaque coloscopie.

Le risque de récidive est-il élevé ?

Le risque de refaire un deuxième cancer dans le côlon est de l’ordre de 15 %. C’est la raison pour laquelle il est important de continuer à faire du dépistage par coloscopie. Ensuite, il y a le risque de récidive du premier cancer au niveau d’autres organes, ce qu’on appelle des métastases qui surviennent essentiellement au niveau du foie et du poumon. Nous le surveillons par l’imagerie, le scanner essentiellement ou le PET-scan. Ce risque dépend du stade initial du cancer. Un cancer très superficiel va avoir quasiment aucune chance de récidive. Pour autant, on va surveiller très régulièrement pendant les cinq années qui suivent alors qu’un cancer localement très évolué va avoir un grand risque de récidive et va nécessiter une surveillance d’autant plus rapprochée.

C’est un cancer qui métastase souvent ?

Oui, le cancer colorectal métastase souvent. Essentiellement au foie et au poumon bien qu’il puisse y avoir d’autres métastases.

Quels sont les facteurs de risque du cancer colorectal ?

Il s’agit essentiellement de facteurs de risque liés à nos habitudes de vie : l’alcool, le tabac, les mauvaises habitudes alimentaires en particulier un régime pauvre en fibres donc pauvre en fruits et en légumes, et également un régime trop riche en viande. L’apport carné augmente le risque de cancer colorectal. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas en manger mais il faut, comme pour tout, le faire avec modération. Enfin, la sédentarité est aussi un facteur de risque de cancer colorectal sans doute parce que tous ces facteurs favorisent une stase [arrêt, stagnation d’un liquide ou d’une matière dans l’organisme – NDLR] dans l’intestin plus importante, et donc une inflammation liée à la pullulation des bactéries qui est peut-être plus importante.

« Le risque de refaire un deuxième cancer dans le côlon est de l’ordre de 15 %. C’est la raison pour laquelle il est important de continuer à faire du dépistage par coloscopie »

Où en est la recherche sur le cancer colorectal ?

Il y a de la recherche à différents niveaux. Des recherches sont menées sur le dépistage. Les tests de dépistage ont évolué ces dernières années puisqu’on dispose aujourd’hui d’un test qui va chercher de façon beaucoup plus fine le sang dans les selles. Et en ce moment, il y a beaucoup de travail sur des tests de dépistage d’ADN tumoral dans les selles. On travaille aussi sur des tests de dépistage sanguins. Une étude est en cours au CHPG conjointement avec d’autres centres en France.

Et au niveau des traitements ?

Il y a de la recherche en termes de caractérisation en endoscopie de technique de résection des cancers superficiels auquel on participe régulièrement. Il y a de la recherche en termes de molécules de chimiothérapie qui est en cours. Plusieurs études sont aussi ouvertes au CHPG, nous travaillons avec beaucoup d’autres équipes françaises sur le sujet.

On entend aussi beaucoup parler de l’immunothérapie : représente-t-elle aussi un espoir pour les cancers colorectaux ?

Tout à fait. C’est un espoir dans le cancer du côlon. Des essais montrent une certaine efficacité pour certains patients avec des profils particuliers de tumeurs du côlon. Au début, on avait une drogue de chimiothérapie qui faisait passer la survie de six mois à neuf mois pour les patients qui avaient des métastases. Puis, d’autres molécules sont apparues et ont fait passer peu à peu cette espérance de vie de six mois à plus de deux ans. Et l’immunothérapie va encore faire gagner des années voire obtenir des rémissions complètes. Mais c’est encore en cours d’évaluation pour le moment.