mardi 28 mars 2023
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Benoîte de Sevelinges — Directrice du CHPG : « Je ne suis pas prête à toute transgression pour être plus attractive »

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La directrice du centre hospitalier princesse Grace (CHPG), Benoîte de Sevelinges, présente à Monaco Hebdo les mesures engagées pour renforcer l’attractivité de son établissement, et ainsi fidéliser et attirer de nouveaux personnels.

En France, l’hôpital public est actuellement confronté à des difficultés de recrutement : est-ce le cas également du CHPG ?

Nous ne sommes pas concernés par des difficultés de recrutement, mais par une pénurie des métiers de santé. Et nous sommes inquiets pour l’avenir. Actuellement, en termes de soignants, nous n’avons pas de poste vacant au CHPG. C’est-à-dire que nous n’avons pas de déficit. Au CHU de Nice, qui est notre partenaire principal, deux à trois services sont fermés faute de soignants. Nous avons, en revanche, des difficultés sur certains métiers qui sont en pénurie accrue car il n’y a pas assez de gens qui ont été formés.

Quelles sont les professions en pénurie ?

Typiquement, ce sont les infirmières de bloc opératoire. Pour être infirmière de bloc, il faut suivre un cursus complémentaire après celui d’infirmier. La plupart du temps, ce cursus n’est pas réalisé directement après l’école mais plus tard, en promotion professionnelle lorsque les agents travaillent déjà au bloc. Cette situation est assez compliquée à gérer car nous avons du mal à remplacer ce personnel rare. Pendant longtemps, il y a également eu très peu d’école d’IBODE [infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État — NDLR]. Et d’un autre côté, nous avons le robot chirurgical qui est un vrai projet institutionnel, et qui nécessite aussi une autre formation. Elle n’est pas diplômante, mais c’est une formation que nous avons professionnellement. Cela nous oblige donc à jongler sur qui va, ou ne va pas, partir en formation. Nous avons, en plus, pris des engagements vis-à-vis d’agents qui se sont organisés dans leur vie personnelle. Enfin, il y a eu le Covid donc nous n’avons pas pu les envoyer en formation, ou les formations n’ont pas eu lieu. L’équilibre est donc très compliqué.

« Cette situation nous inquiète pour l’avenir, parce que nous constatons une désaffection des jeunes pour les métiers de santé. Et nous nous demandons comment nous allons faire dans 10 ou 15 ans. Cela nous oblige donc à réfléchir à la manière de rendre ces métiers attractifs, pour attirer de nouvelles personnes »

D’autres métiers sont en situation de pénurie ?

En dehors des IBODE, les manipulateurs radio sont aussi une denrée rare. Il y a une concurrence très forte du public mais aussi du privé, à Monaco et ailleurs. Pour autant, nous ne déprogrammons pas, nous ne fermons pas de salles de bloc, ni de scanner. Nous ne sommes pas dans une situation complexe à gérer. Nous sommes dans une situation qui est tendue et qui nous inquiète pour l’avenir parce que nous constatons une désaffection des jeunes pour les métiers de santé. Et nous nous demandons comment nous allons faire dans 10 ou 15 ans. Cette situation nous oblige donc à réfléchir à la manière de rendre ces métiers attractifs pour attirer de nouvelles personnes.

© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Comment rendre ces métiers attractifs auprès des jeunes ?

Dans notre bassin de population, beaucoup de jeunes vont s’orienter vers les métiers du tourisme ou de la banque, sans forcément penser aux métiers de la santé. C’est donc à nous de leur faire découvrir ces métiers. Nous avons sollicité l’éducation nationale pour ouvrir des terrains de stage pour les élèves de Troisième, de BTS et de Terminale. Pourquoi pas aussi accueillir des stages de découverte. Nous encourageons donc les jeunes à nous contacter s’ils veulent venir passer quelques jours pour découvrir les métiers de la santé. Nous pouvons leur proposer des parcours. Les cadres s’y sont engagés. Bien sûr, cela se fera toujours dans le respect de l’intimité du patient et avec son accord. Mais il est intéressant de permettre à ces jeunes de découvrir les métiers de la santé sur site. Nous participons aussi à tous les événements dans les lycées et les collèges comme la Journée des métiers. Enfin, nous travaillons avec Isabelle Bonnal [la directrice de l’éducation nationale — NDLR] à des projets qui nous permettraient à la fois de sensibiliser les jeunes à des sujets de santé importants (don du sang, santé de la femme, détection des signes d’AVC…) et de présenter les métiers de la santé : infirmier, neurologue, aide-soignant…

Menez-vous d’autres actions pour faire connaître ces métiers ?

Beaucoup de personnes ne connaissent pas les métiers de santé. Aide-soignant, c’est un an [de formation — NDLR]. Et c’est un métier professionnalisant. Nous avions une promo de 10, nous avons créé une deuxième promotion, une deuxième rentrée pour les aides-soignants en janvier où nous proposons cette formation en interne. C’est une possibilité d’évolution professionnelle mais nous faisons aussi un appel aux jeunes dans les communes limitrophes qui sont peut-être un peu désœuvrés ou en reconversion. La formation dure une année, elle est exigeante bien sûr, mais elle permet de sortir avec un vrai diplôme et un vrai métier. Nous recevons beaucoup de candidatures de personnes qui sont auxiliaires, et qui n’ont pas forcément de formation réelle. Mais je ne peux pas leur proposer de travail à l’hôpital, car il faut qu’elles soient formées. Ce sont des actions que nous menons pour amener de nouvelles personnes à se former dans les métiers de la santé en espérant qu’elles intègrent ensuite le CHPG.

« La génération actuelle n’a pas envie de travailler le week-end, ni la nuit. Les jeunes, et les gens en général, veulent passer plus de temps avec leur famille. C’est une tendance qui est sociétale »

Comment expliquez-vous cette désaffection pour les métiers de santé ?

Le Covid a été un catalyseur mais globalement, la génération actuelle n’a pas envie de travailler le week-end, ni la nuit. Les jeunes, et les gens en général, veulent passer plus de temps avec leur famille. C’est une tendance qui est sociétale. On peut la critiquer. Moi, je pense que c’est à nous de nous adapter. Il y a aussi une vraie question de revalorisation salariale. La France et Monaco ne sont pas des pays qui paient extrêmement bien les soignants par rapport à d’autres cultures. Au Québec par exemple, les infirmières sont beaucoup mieux payées qu’en France. Pour moi, c’est un vrai sujet.

« Nous avons l’obligation de jeter tous les CV au bout de six mois, en raison de la protection des données nominatives. J’encourage donc les candidats dont la candidature a été retenue dans un vivier, à la renouveler tous les six mois. » Benoîte de Sévelinges. Directrice du CHPG. © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Les métiers de la santé ne sont pas reconnus à leur juste valeur ?

Infirmière, c’est quand même un bac +3, une licence. C’est un métier exigeant, qui est essentiel. Si on compare à d’autres métiers de la vie civile, je ne suis pas certaine que la rémunération soit juste. Elle ne l’est pas non plus, à mon sens, pour une consultation médicale. La valorisation des métiers de santé est un vrai sujet. Il ne suffit pas de leur dire que leur métier est magnifique, et que ce qu’ils font est extraordinaire. La reconnaissance doit aussi être pécuniaire.

« La valorisation des métiers de santé est un vrai sujet. Il ne suffit pas de leur dire que leur métier est magnifique, et que ce qu’ils font est extraordinaire. La reconnaissance doit aussi être pécuniaire »

Au CHPG, les salaires ont-ils été revalorisés ?

Le mois de novembre 2022 va voir une revalorisation très importante des rémunérations de l’ensemble des métiers de l’hôpital. Le Ségur de la santé en France a revalorisé les métiers des soignants. À Monaco, nous avons revalorisé l’ensemble des métiers de l’hôpital parce qu’il n’y a pas beaucoup d’ingénieurs biomédicaux, parce que le métier d’hôtelier est quand même différent de celui de serveur… Cette revalorisation va à tous les gens qui travaillent dans l’objectif d’améliorer la qualité de la prise en charge. Cela concerne donc aussi le cuisinier, la personne qui s’occupe du linge… Cette vision partagée à la fois par la direction du CHPG et par les représentants du personnel a été entendue par le gouvernement princier. À la fin du mois de novembre [cette interview a été réalisée jeudi 24 novembre 2022 — NDLR], il va donc y avoir une revalorisation salariale très importante mais la question qui se pose c’est à 10, 15 ou 20 ans ? Comment va-t-on rémunérer les métiers de la santé ? Comment positionne-t-on la rémunération des métiers de la santé par rapport au secteur de la restauration, du commerce, de la banque… ? C’est un vrai sujet sachant qu’en plus, il s’agit de métiers qui sont qualifiés par essence. Les perspectives sont à mon sens plus inquiétantes.

Pourquoi Monaco a-t-il été plus loin que le Ségur français ?

Le Ségur monégasque est très largement avantageux. Il y a eu en réalité deux Ségur avec d’un côté le médical et de l’autre le non-médical. Et les deux sont très avantageux par rapport au dispositif français qui, il faut le rappeler, n’est pas encore terminé. Cela veut donc dire que le dispositif Pasteur [nom donné au Ségur monégasque — NDLR] n’est pas terminé non plus. Mais ce qui a été fait par Monaco est extrêmement satisfaisant. Nous avons été plus que suivis par le gouvernement princier, par le palais et par le Conseil national. Il y a vraiment eu une unanimité pour dire que les métiers de la santé sont trop importants pour se contenter de faire ce qu’a fait la France. Et nous ne sommes pas encore au bout du processus. Nous avons déjà fait une partie très importante qui va sensiblement améliorer les choses. Mais il y aura une suite. À titre personnel, j’en suis ravie parce que je pense que les métiers de la santé ne sont pas valorisés à la hauteur où ils devraient l’être.

À quelle hauteur les salaires ont-ils été revalorisés ?

Cette revalorisation est très importante. Nous sommes quand même à plus de 20 %. Ce qui représente un investissement de 10 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’an dernier. Nous avons pu travailler sur la revalorisation générale des grilles de rémunération avec les trois syndicats constructifs de l’établissement afin d’établir des grilles équilibrées entre les différents métiers et les différentes fonctions. Cela concerne donc tous les grades et tous les échelons. Elles tiennent compte aussi des éléments d’attractivité. Nous allons aller revaloriser là où nous en avons vraiment besoin. Cette revalorisation sera mise en paie en novembre et elle sera rétroactive au 1er janvier. Il va donc y avoir un effet d’aubaine juste avant Noël. Mais au-delà de ces revalorisations, il y a aussi tout le régime indemnitaire. Contrairement aux fonctionnaires d’État, un fonctionnaire hospitalier a toute une partie de sa rémunération qui repose sur les primes. Nous avons donc créé certaines primes, nous en avons revalorisé d’autres et nous en créerons de nouvelles en 2023. L’idée, c’est d’attribuer des primes sous certaines conditions là où les conditions de travail sont les plus pénibles et là où nous avons un vrai besoin d’attractivité. Cette démarche me semble collectivement intelligente puisqu’elle répond à ces deux enjeux.

« Il y a une réalité qui est celle de la principauté de Monaco avec les accès, le parking… Et, à ce niveau-là, le CHPG est, au même titre que les autres employeurs, en difficulté pour attirer des recrues »

Quelles sont les difficultés auxquelles est aujourd’hui confronté le CHPG pour le recrutement ?

Il y a une réalité qui est celle de la principauté de Monaco avec les accès, le parking… Et à ce niveau-là, le CHPG est, au même titre que les autres employeurs, en difficulté pour attirer des recrues. Avant, l’écart salarial qu’on pouvait avoir avec le pays voisin suffisait à être attractif. Aujourd’hui, la génération actuelle a d’autres envies, elle a notamment envie de temps et elle n’a pas envie d’en perdre à trouver une place de parking… Elle préfère donc gagner moins pour travailler plus près de son domicile. C’est un sujet que le gouvernement a pris à bras-le-corps car cette question de l’accès et du stationnement n’est clairement pas un facteur d’attractivité pour l’hôpital de Monaco.

Comment faites-vous face à ces contraintes ?

En tant que directeur d’hôpital, je ne peux pas grand-chose sur ces sujets. Ce que nous pouvions faire, nous l’avons fait. C’est-à-dire proposer des primes. Nous avons été les premiers à proposer une prime pour rembourser la totalité des abonnements de transports en commun de nos agents. Y compris en multimodal (train-bus…). Nous avons aussi mis en place une prime annuelle « mobilité douce » pour celles et ceux qui utilisent le vélo, le vélo électrique, le scooter électrique et la voiture électrique. Nous essayons de nous inscrire dans les dispositifs étatiques et l’intérêt de la principauté. Dans le même ordre d’idée, nous avons arrêté les primes « parking ». Ceux qui en bénéficiaient continuent d’en bénéficier, c’est un avantage acquis, mais nous ne distribuons plus de prime « parking » considérant que nous ne pouvons pas continuer à subventionner l’usage d’un véhicule individuel particulier. C’est une demande des représentants du personnel que j’entends, mais j’estime que ça ne va pas dans le sens de la politique de l’État.

La suppression de cette prime « parking » n’est-elle pas rédhibitoire pour les candidats ?

Je rajoute cette difficulté au nom de l’intérêt général. Dans toutes les mesures que nous allons essayer de déployer pour être attractifs, il faut que nous gardions en tête quel est l’intérêt général et l’équité. L’intérêt général, c’est que les gens prennent les transports en commun ou utilisent les mobilités douces. Nous avons demandé au gouvernement princier de nous aider à travailler sur la question des transports en commun. Nous travaillons sur nos horaires afin qu’ils soient compatibles avec ceux du train mais il y a encore un horaire, le matin, qui ne l’est pas. Nous continuons de revenir à la charge. Nous souhaitons, par ailleurs, engager un travail avec la Société des bains de mer (SBM) parce que nous avons probablement des problématiques communes sur l’accès, sur les horaires des transports en commun et sur leur fiabilité. Nous promouvons également le covoiturage avec l’application Klaxit. Enfin, il ne faut pas oublier la question de l’équité. Nous n’avons pas assez de places de parking pour tout le monde. Nous avons des listes d’attente. Et quelque part, pour celui qui n’a pas obtenu de place de parking, c’est la double peine. Non seulement il n’a pas de place mais en plus, il ne bénéficie pas d’une prime dont profitent les autres. Pour moi, la prime doit être incitative. Et cela passe par les transports en commun et la mobilité douce. Je ne suis pas prête à toute transgression pour être plus attractive que les autres.

« Nous souhaitons, par ailleurs, engager un travail avec la Société des bains de mer (SBM), parce que nous avons probablement des problématiques communes sur l’accès, sur les horaires des transports en commun et sur leur fiabilité »

Quels leviers, autres que le salaire, le CHPG peut-il activer pour renforcer son attractivité ?

Le premier à mon sens, ce sont les conditions de travail. Nous n’avons pas de poste vacant, cela signifie que quand les gens viennent travailler au CHPG, ils font le travail d’une personne. Dans d’autres hôpitaux, où il y a des postes vacants, vous allez faire votre travail mais aussi celui du poste à côté. Au CHPG, nous avons ce confort. Nous avons une charge de travail qui est la nôtre et nous l’assumons. La surcharge de travail peut mener à des burn-out comme cela est le cas dans le pays voisin. Quand on part dans une situation où tous les postes sont pourvus comme à Monaco, on tient au prix d’efforts particuliers. Mais quand on part avec 30 % de postes vacants, vous imaginez bien la difficulté pour tenir, ou l’effort à mener, pour tenir.

Outre les conditions de travail, de quels autres arguments dispose le CHPG ?

L’équipement que nous pouvons proposer est également important. Avec un plateau technique comme le nôtre, nous n’avons aucun mal à attirer des infirmières de bloc et des médecins. J’ai également tenu à ce que dans chaque service, on puisse trouver un verticalisateur, un lève-malade pour aider les agents et éviter qu’ils ne se blessent. Il est primordial pour nous de réduire la pénibilité et de leur montrer à quel point leur santé est importante.

Benoîte de Sevelinges
« Je suis fille d’infirmière. Cette génération était infirmière par vocation, du début à la fin de leur carrière.
Aujourd’hui, ce n’est plus forcément le cas. » Benoîte de Sévelinges. Directrice du CHPG. © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Quoi d’autres ?

Nous leur avons aussi proposé la création d’espaces fitness dans lesquels nous proposons des cours collectifs et des ateliers de cuisine avec des diététiciens plusieurs fois par mois. Dans la partie restauration, nous avons très largement diversifié notre offre à destination des personnels. Nous proposons par ailleurs beaucoup de formations aux agents qui puissent leur servir à la fois professionnellement et personnellement. Nous offrons par exemple un accès gratuit au dispositif Voltaire pour améliorer leur français écrit et oral. Nous donnons aussi des cours d’anglais, de russe, d’italien… Ce sont des choses que les agents apprécient parce qu’ils n’y auraient pas forcément accès, si ce n’est à titre payant. On va ensuite avoir tout ce qui est détente. Les rencontres philosophiques de Monaco, les ballets de Monte-Carlo et l’orchestre philharmonique nous donnent accès à leurs contenus que nous mettons à disposition de nos agents sur l’intranet mais également sur l’application. Nous déployons aussi actuellement des chariots zen qui contiennent des éléments tels qu’un couvre-fauteuil massant, de l’aromathérapie, de la musicothérapie, de la réalité virtuelle… Avec des séances de 8 à 20 minutes, les agents peuvent, sur leur temps de travail, prendre un moment pour se détendre et se sentir mieux. À Noël, chaque agent recevra un cadeau. Nous avons aussi une association du personnel qui est dynamique et qui avait des offres dans différentes structures commerciales. Nous allons passer à l’étape suivante car nous allons adhérer, au début de l’année 2023, au cercle A, qui est le programme de fidélité de l’administration. Tous ces éléments contribuent aux conditions de travail et à l’attention que nous portons à notre personnel.

Avec cette nouvelle génération qui réclame plus de temps libre, faut-il aussi, selon vous, revoir l’organisation du travail ?

Nous parlons beaucoup de la semaine de quatre jours. À l’hôpital, les soignants ont l’habitude d’avoir des petites et des grandes semaines. Et nous avons envie de le déployer à d’autres fonctions, pour les secrétaires médicales et les administratifs par exemple. Ils auront ainsi des journées de travail plus longues, mais ils viendront moins souvent. C’est une demande du personnel. Cette organisation répond aussi à la problématique d’accès puisque, du coup, le salarié vient quatre jours au lieu de cinq. C’est un gros travail d’organisation, car il faut quand même avoir du personnel devant les patients et du personnel qui réponde au téléphone, mais c’est jouable.

Quand espérez-vous adopter la semaine de quatre jours ?

L’année prochaine. Les équipes y réfléchissent. Je voudrais que les idées viennent principalement du terrain. Et nous, en tant que direction, nous mettrons en place le liant et les mutualisations quand c’est nécessaire, ou, au contraire, les limites que nous estimons importantes. Nous espérons donc pouvoir déployer la semaine de quatre jours dans de nombreux secteurs en 2023. C’est important, car le privé commence à en proposer.

« Nous espérons donc pouvoir déployer la semaine de quatre jours dans de nombreux secteurs en 2023. C’est important, car le privé commence à en proposer »

Ce déploiement de la semaine de quatre jours va-t-il nécessiter des recrutements supplémentaires ?

Ça ne pourra pas. C’est une organisation différente du travail. Aujourd’hui, l’hôpital est dans une situation où il a accumulé un déficit important. Nous ne pourrons pas créer de postes au motif de cette organisation. Mais j’estime qu’il y a de la marge et il y a une possibilité de le faire. La suppression des horaires coupés s’est faite à effectif constant. C’est pour ça qu’elle est lente. J’ai pu entendre de grandes déclarations du type « on peut supprimer sans effort particulier », mais ce n’est pas vrai. C’est difficile à faire. Ce sont des répartitions différentes de la charge de travail. Il y a des secteurs où nous n’arriverons pas à supprimer les (horaires) coupés. Sans création de poste, c’est impossible. Nous avons retourné le problème dans tous les sens. Dans le nouvel hôpital, nous cadrerons différemment les ressources que nous allouons aux différentes spécialités. Mais pour la semaine de 4 jours, nous ne créerons pas de postes supplémentaires.

Les horaires coupés sont toujours pratiqués au CHPG ?

Nous travaillons à la disparition des horaires coupés. Nous en avons encore, mais de moins en moins. Il n’y en a plus dans les nouvelles organisations mais dans les anciennes organisations, nous n’avons pas toujours réussi à les enlever. Nous le faisons petit à petit, mais ce n’est pas seulement la direction qui doit y travailler. Les équipes doivent aussi y participer parce que pour supprimer les horaires coupés, il faut répartir le travail différemment. Nous nous réjouissons parce que nous avons un secteur de plus qui va mettre fin aux horaires coupés, c’est la réanimation. Mais c’est une répartition de la charge de travail qui est différente entre les équipes de jour et les équipes de nuit, entre celles du matin et celles de l’après-midi. Nous espérons qu’à l’entrée dans le nouvel hôpital, nous aurons supprimé l’ensemble des horaires coupés. Sachant que l’entrée dans le nouvel hôpital est prévue pour début 2026.

Le télétravail est-il proposé au CHPG ?

Nous déployons le télétravail de manière contrôlée car il n’est pas question de voir les patients par visio. En revanche, une secrétaire médicale sera mieux à la maison pour taper ses comptes-rendus ou pour prendre des rendez-vous téléphoniques qu’à l’hôpital où elle aura eu le trajet, où elle ne sera pas forcément dans des bureaux qui seront aussi agréables que chez elle. Il faut juste vérifier que les conditions en télétravail ne soient pas dégradées par rapport aux conditions de travail sur site. L’administratif, c’est pareil. S’il y a possibilité de télétravailler, on va le faire. Le télétravail ne répond bien évidemment pas à l’ensemble des besoins d’un hôpital, et il faut le faire d’une manière satisfaisante pour le personnel, c’est-à-dire équiper le personnel du matériel nécessaire et sortir complètement de ce qu’a été le travail à distance de crise pendant le Covid. Il n’est pas question de faire du télétravail en gardant des enfants.

Disposez-vous d’un pool de remplacement ?

Nous disposons d’un pool de remplacement et nous venons de déployer une application qui s’appelle Hublo. Il s’agit grosso modo d’une gestion d’intérim interne. Les agents qui sont volontaires peuvent s’inscrire à cette application. Souvent ce sont des jeunes qui veulent arrondir leur fin de mois et qui vont se positionner, en fonction de leurs capacités et de leurs compétences, sur des missions quand il y a un absentéisme prévu. C’est très intéressant car cela permet à ceux qui veulent en faire plus d’en faire plus, dans les limites légales du temps de travail naturellement. Ça nous permet aussi de remplacer plus facilement, et à celles qui n’ont pas envie d’être moins sollicitées. Cette application est donc très utile et rencontre beaucoup de succès parce que 400 agents se sont déjà inscrits. Pour l’instant, nous nous limitons à la partie soignante, donc aides-soignants et IDE, mais très vite nous allons la déployer aux hôteliers et secrétaires médicales. Car il faut quand même avoir une masse critique importante pour pouvoir le faire.

« Nous suivons de près, et nous nous préoccupons toujours des départs. Nous allons lancer une petite enquête en début d’année prochaine [2023 — NDLR] auprès de tous les démissionnaires, pour savoir pourquoi ils ont démissionné, et ce que nous aurions pu faire pour qu’ils ne démissionnent pas »

Combien de démissions enregistrez-vous chaque année ?

Chez les médecins en 2022, il y a eu 4 démissions. Souvent pour des projets de famille. Chez les infirmiers, il y a eu 24 démissions cette année sur 600 IDE. Nous en avons eu 29 l’an dernier. Enfin, nous avons eu cette année 15 démissions d’aides-soignants contre 22 aides-soignants en 2021. Très souvent, ces démissions sont liées à des changements géographiques. Nous suivons de près et nous nous préoccupons toujours des départs. Nous allons d’ailleurs lancer une petite enquête en début d’année prochaine [2023 — NDLR]. L’idée, c’est d’envoyer à tous les démissionnaires, un questionnaire pour savoir pourquoi ils ont démissionné, et ce que nous aurions pu faire pour qu’ils ne démissionnent pas. Nous allons systématiser cette démarche à l’avenir pour avoir des éléments.

Quels sont vos canaux de recrutement ?

Désormais, nous ciblons et diffusons davantage nos annonces. Nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux. Nous demandons aussi à nos médecins et à nos agents d’être nos ambassadeurs sur les réseaux sociaux. De plus en plus de cadres et de médecins déploient leur propre profil. Ils partagent nos informations, et les nécessités de recrutement. Il faut aussi sortir de cette communication classique d’employeur à candidat et dire à notre personnel d’aller chercher leurs futurs collègues. Il y a aussi beaucoup de bouche-à-oreille car le CHPG a une certaine réputation. Notre politique, c’est de répondre à tout le monde. Toutes les candidatures reçoivent une réponse qu’elles soient reçues via les réseaux sociaux, via le site Internet, par courrier, par mail… Nous répondons systématiquement et nous avons trois options. Soit nous avons les postes vacants donc nous recevons les candidats en vue de l’affectation. Soit la candidature nous intéresse, nous allons la recevoir pour décider de la garder dans un vivier, ou pas, pour des métiers en tension. Soit la candidature ne nous intéresse pas, et dans ce cas nous répondons « non ». Nous avons l’obligation de jeter tous les CV au bout de six mois, en raison de la protection des données nominatives. J’encourage donc les candidats dont la candidature a été retenue dans un vivier, à la renouveler tous les six mois.

Pourquoi les candidats préfèrent-ils le CHPG ?

Le choix va surtout se faire sur la rémunération et les conditions de travail. Si demain, nous arrivons à proposer plus largement des semaines de quatre jours, il est évident que nous allons devenir encore plus attractifs. Mais jusqu’à ce que les autres le fassent aussi. L’inquiétude n’est pas actuelle. Aujourd’hui, nous n’avons pas de poste vacant. Nous sommes désormais beaucoup plus proactifs. Nous allons anticiper un départ à la retraite ou un remplacement de congé maternité, chose que nous n’avions pas besoin de faire avant. Mais nous ne sommes pas en difficulté majeure.

Avez-vous recours à l’intérim ?

Non, et nous ne voulons pas y recourir. Par le passé, ça a été très exceptionnel.

Élargissez-vous aussi votre périmètre de recrutement à l’étranger ?

Non, pas pour le moment. En revanche, nous recevons des candidatures étrangères.

« Il arrive désormais que des candidats viennent en entretien avec les offres d’emploi d’autres établissements pour savoir si nous pouvons nous aligner. Cela n’arrivait pas avant. Et nous ne pouvons pas y adhérer, parce que les rémunérations correspondent à des grilles, à des échelons en fonction de l’ancienneté et pour l’instant, nous tenons bon »

Le docteur Brunner, un des candidats de la liste l’Union nationale monégasque à la prochaine élection nationale qui aura lieu le 5 février 2023, a pourtant évoqué lors d’un meeting le recrutement de praticiens « de pays éloignés » pour pallier les difficultés de recrutement ?

Je suis arrivée à l’hôpital en 2009, et je ne pense pas qu’il y ait plus de médecins étrangers aujourd’hui. À mon avis, il y en a même moins qu’avant. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de compétences qui sont reconnues dans l’Union européenne (UE), qui sont donc équivalentes voire meilleures. Monaco étant cosmopolite par nature, nous avons des médecins qui viennent pour beaucoup d’Italie, et de Roumanie aussi, car nous avons des accords avec des facultés… Moi, cela me paraît positif.

« Un médecin qui vient travailler à l’hôpital de Monaco parle parfaitement français. Sinon, nous ne le recrutons pas »

Pourriez-vous, si cela devenait nécessaire, recruter à l’étranger ?

Oui, il y a des médecins étrangers, mais ça ne me gêne pas du tout à partir du moment où ils ont la qualité de diplôme équivalente à celle de la France. Et puis, il faut arrêter de se voiler la face, je crois profondément que le système de santé français est un des meilleurs au monde. Mais est-ce qu’aujourd’hui la qualité de l’enseignement en France est supérieure à celle d’autres pays européens ? Je ne veux pas en juger, car je ne suis pas prof, mais je ne mettrais pas ma main à couper. Le vrai sujet, c’est que la langue doit être partagée, c’est incontournable. Et nous n’engagerons jamais un médecin s’il ne parle pas parfaitement la langue.

Une des pistes du gouvernement est de rapprocher les salariés de Monaco : où en est la réflexion à ce sujet ?

Nous avons la possibilité, comme les autres services de l’État, de demander l’attribution de logements domaniaux pour nos personnels. Et c’est ce que nous faisons de manière très régulière. En 2013, nous avions eu la chance d’avoir vu beaucoup d’appartements nous être attribués à la ZAC Saint-Antoine. Beaucoup de nos agents y sont hébergés, ou à Lou Clapas. Nous sommes donc pleinement dans le sujet. Au-delà de ça, sur notre intranet, nous proposons des annonces de location et de vente entre agents. Et nous avons un immeuble en gestion à Beausoleil dans lequel sont logés nos élèves infirmiers, nos internes. Dans cet immeuble, nous disposons de logements sociaux et nous avons réservé quelques appartements pour permettre à des gens qui viendraient d’ailleurs de pouvoir bénéficier d’appartement au moment de leur recrutement. L’idée, c’est non seulement de les aider à s’installer mais aussi de convaincre ceux qui seraient réticents à cause de ces contraintes, à sauter le pas pour venir. Nous leur proposons des logements pendant trois ou six mois pour leur permettre de s’installer sereinement ou effectivement d’être convaincus par l’expérience à Monaco.

Se loger dans les environs et à Monaco c’est très difficile ?

Oui, c’est très compliqué. Nous sommes aussi en train de réfléchir à une aide à l’installation. C’est-à-dire à proposer des numéros d’agences immobilières, et une aide globale à la découverte des alentours. Mais c’est vrai que la question du logement est difficile. Et si on se loge loin, on se retrouve avec les problèmes de l’accès à l’hôpital.

Combien de salariés sont hébergés dans des logements de l’État ?

Dans l’immeuble le Bulgheroni, nous avons 52 appartements à ce jour. Vingt personnels non médicaux y sont logés, dix internes, et six étudiants qui partagent une chambre pour deux.

Vivre à proximité de l’hôpital, et donc de son lieu de travail, est une vraie demande de votre personnel  (1) ?

Je n’ai pas besoin de les sonder, je suis convaincue vu le nombre de fois où l’on m’a posé la question. Les échelles de salaire sont telles dans l’établissement que vous avez toutes les demandes et tous les besoins qui peuvent émerger. D’habiter proche de Monaco dans des conditions acceptables, dans des immeubles domaniaux, bien sûr c’est une vraie demande.

Ressentez-vous aujourd’hui la concurrence des établissements de la région ?

Oui, du privé et du public. Il arrive désormais que des candidats viennent en entretien avec les offres d’emploi d’autres établissements pour savoir si nous pouvons nous aligner. Cela n’arrivait pas avant. Et nous ne pouvons pas y adhérer, parce que les rémunérations correspondent à des grilles, à des échelons en fonction de l’ancienneté et pour l’instant, nous tenons bon. Je me refuse à imaginer que des nouveaux recrutés soient mieux rémunérés que des anciens de l’établissement. Nous appliquons la réglementation. Là, où nous allons pouvoir jouer, ce sera sur les primes et sur le fait que nos salaires sont supérieurs à ceux de la France. Mais la concurrence du privé est vraiment ardue. Et du privé dans le 06, on n’en manque pas (rires). Donc oui, nous ressentons cette concurrence, y compris à d’autres niveaux. Des secrétaires médicales vont par exemple travailler pour des médecins généralistes ou dans des entreprises. Sans parler des reconversions post-Covid que nous avons eues. Là encore, elles n’ont pas été nombreuses, mais elles ont marqué. Moi je suis fille d’infirmière. Cette génération était infirmière par vocation, du début à la fin de leur carrière. Aujourd’hui, ce n’est plus forcément le cas. Nous devons nous adapter, mais ce n’est pas facile, car nos structures sont rigides. Nous sommes sur du 7 jours sur 7, et du 24 heures sur 24.

1) Les plus grosses communes de provenance des agents sont : Roquebrune-Cap-Martin, Beausoleil, Cap d’Ail, La Turbie (747 salariés), Nice (740), Monaco (234), et Menton (48). Source : chiffres communiqués par le CHPG.

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