vendredi 29 mars 2024
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« Les biosimilaires :
un enjeu économique colossal »

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Du 31  janvier au 3  février, se tient la 13ème biennale monégasque de cancérologie. Ce rendez-vous, le plus important en langue française, réunira près de 1 800 spécialistes en oncologie et abordera les grands traitements d’avenir.

400 000 nouveaux cas de cancers en France en 2017 et 150 000 morts. Le cancer reste l’une des premières causes de décès prématuré chez l’homme et la femme (lire notre encadré par ailleurs). Du 31 janvier au 3 février, la 13ème biennale monégasque de cancérologie qui se déroulera au Grimaldi Forum, sera l’occasion pour les spécialistes de discuter et d’apprendre sur les traitements d’aujourd’hui et de demain. Car, si les progrès de la médecine permettent de guérir plus de cancers, le paradoxe est que leur nombre augmente. « On dispose de plus en plus de traitements efficaces, précise le professeur Xavier Pivot, président de la biennale de cancérologie et spécialiste du cancer du sein. On guérit de plus en plus du cancer, mais on augmente aussi les probabilités d’en faire un second. Par exemple, dans les années 1950, lorsqu’une femme avait un cancer du sein, elle avait de grandes chances d’en mourir. Aujourd’hui, elle a 7 à 8 fois plus de chances d’en survivre… Et d’en développer un second. »

 

« On guérit de plus en plus du cancer, mais on augmente aussi les probabilités d’en faire un second »

Xavier Pivot. Président de la biennale de cancérologie

 

Dépistage

Chez la femme, le cancer du sein reste le premier cancer. En 2017, il a été dépisté chez 64 000 femmes, un chiffre qui reste stable depuis 8 ans. Dans 9 cas sur 10, les femmes survivent. « Selon les statistiques européennes, la France est leader en termes de guérison du cancer du sein, souligne le professeur Xavier Pivot. Il fait partie des trois cancers dont le dépistage est systématisé en France. Le deuxième est le cancer du col de l’utérus. Il est recommandé aux femmes de faire un frottis régulièrement. » Pour les plus jeunes, le médecin souligne qu’il est fortement conseillé aux parents de vacciner leurs filles avant leur premier rapport sexuel, afin de les prémunir de la transmission du virus à l’origine de ce cancer.

Gestes opératoires

Enfin, le troisième cancer pour lequel le dépistage est fortement conseillé est celui du colon. « Le dépistage marche malheureusement moins bien. Les gens sont moins enclin à collectionner leurs selles pour les envoyer à l’analyse, puis à faire une coloscopie, regrette Xavier Pivot. Pourtant, c’est très efficace. » Enfin, pour le cancer de la prostate, qui reste l’un des plus importants chez l’homme, le dépistage systématique n’est pas sur la liste officielle. « Le dépistage fait parfois opérer à tort certains hommes. On sait que dans un cas sur 5, l’homme pourrait vivre avec le cancer de la prostate, mais on a trop souvent tendance à avoir des gestes opératoires. »

Prévention

Dans l’avenir, il est probable que les techniques permettront aussi de dépister le cancer du poumon. « Il est aujourd’hui le cancer le plus fréquent chez l’homme. Mais les femmes en sont de plus en plus victimes, car depuis les années 1970, elles ont accès aux cigarettes, ce qui était beaucoup moins le cas avant, précise le médecin. C’est un cancer qui se guérit mal. Aujourd’hui, on arrive à doubler l’espérance de vie… Ce qui amène bien souvent l’allongement de la vie de 2 à 3 ans… » Pour ce cancer, mais pour les autres aussi, la prévention joue un rôle essentiel. « Il faut éviter les conduites à risque : essayer de ralentir le tabagisme, mettre les gens au sport, éviter certains engrais dans les champs, améliorer la façon de s’alimenter… », énumère le professeur.

Traitements très coûteux

Mais cette biennale de cancérologie sera surtout l’occasion pour les médecins de se pencher sur les traitements d’aujourd’hui et de demain. « Les thérapies ciblées apparaissent. Il y a un enjeu économique colossal autour de ça, insiste Xavier Pivot. La biothérapie a fait une révolution dans les soins. Par exemple, pour le cancer du sein, la Herceptin a permis d’obtenir 50 % de plus de guérisons. Tout comme le Mabthera pour le lymphome. Mais il s’agit d’un traitement extrêmement coûteux. » Le président de la biennale avance le chiffre de 4 000 à 5 000 euros par mois pour un traitement qui dure environ un an. Un coût « colossal » que peuvent encaisser les pays occidentaux, mais pas certains pays de l’Est, et encore moins les pays d’Afrique ou d’Amérique du sud, souligne Xavier Pivot. « C’est beaucoup plus cher à produire que de la chimie. On part du code génétique d’une bactérie ou d’une cellule, puis on y injecte la bonne séquence ADN pour que la cellule produise le bon anticorps. La cellule fabrique ainsi le médicament, explique ce professeur. Le traitement est produit dans une usine avec de grandes cuves qui créent du vivant. Mais ces médicaments ont révolutionné les traitements. »

 

La France est parvenue à séquencer suffisamment de tumeurs de cancer du sein pour identifier « 90 % des événements génétiques » à l’origine de la maladie. « Cela donne des informations sur l’histoire du cancer et permettra, à terme, d’adapter le traitement », explique Xavier Pivot

 

« Enjeu politique fort »

C’est ici qu’intervient une seconde révolution. Les laboratoires sont parvenus à produire des biosimilaires. « Il s’agit de molécules qui ont la même efficacité biologique que les biothérapies. Mais, grâce à l’amélioration des techniques de fabrication, les biosimilaires coûtent 40 à 80 % moins chers à fabriquer ! souligne-t-il. Attention, il ne s’agit pas d’un générique fabriqué en Inde. C’est bien un médicament fabriqué par les grandes marques pharmaceutiques, avec la même efficacité que les biothérapies. Il y a ici un enjeu politique fort. » En effet, cela permettrait de soigner une population beaucoup plus vaste à moindre coût et de favoriser la recherche avec l’argent économisé. Un axe favorisé par Agnès Buzyn, la ministre de la santé française, qui souhaite, selon Xavier Pivot, que 80 % du marché soit couvert par les biosimilaires. D’ailleurs, le professeur précise que les cancers ne sont pas les seuls concernés par ce traitement, mais que près de la moitié de la pharmacologie l’est.

Immunothérapie

Autre thérapie d’avenir, l’émergence de l’immunothérapie. « Il s’agit d’une nouvelle thérapie que je qualifierais d’élégante pour se débarrasser du cancer, décrit Pivot. Souvent le cancer arrive à se cacher, il n’est pas détecté comme un intrus par le système immunitaire. L’immunothérapie a pour but de stimuler le système immunitaire, pour que l’organisme se débarrasse lui-même de son cancer. » Enfin, les techniques d’avenir seront aussi présentées. La France est parvenue à séquencer suffisamment de tumeurs de cancer du sein pour identifier « 90 % des événements génétiques » à l’origine de la maladie. « Cela donne des informations sur l’histoire du cancer et permettra, à terme, d’adapter le traitement, précise le médecin. Les pays du monde se sont partagés les cancers à séquencer. Ce qui facilitera ainsi le travail. » C’est vers ce but qu’est désormais tourné l’ensemble des travaux des chercheurs et médecins.

+ d’infos sur www.biennalecancerologie.org