jeudi 18 avril 2024
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Maxime Pastor — Sommelier au Louis XV : « Il y a beaucoup de similitudes entre le vin et la musique »

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À seulement 32 ans, Maxime Pastor est le premier Monégasque à être nommé chef sommelier au Louis XV. Pour Monaco Hebdo, il explique son arrivée dans ce restaurant triplement étoilé par le guide Michelin. Il évoque aussi sa passion pour la musique, et sa vision d’un métier pas tout à fait comme les autres.

Qui vous a fait découvrir le monde de la sommellerie ?

Ma mère et mon père sont des gens qui aiment bien manger et bien boire. Ma mère était assistante sociale, et mon père travaillait au casino, donc ils sont tous les deux loin du monde de la gastronomie. C’est pareil pour mes deux frères. Mon petit frère travaille dans le secteur de l’art, et mon grand frère travaille au palais princier. De mon côté, quand j’étais enfant, j’ai souvent regardé des reportages sur les grands palaces. Les grands restaurants, ça m’a toujours fasciné. Voilà pourquoi j’ai décidé de faire une école hôtelière.

Comment est arrivé le déclic concernant ce métier ?

À 14 ou 15 ans, j’ai su que la sommellerie, c’était ce que je voulais faire. J’ai eu la chance d’avoir Serge Serrier comme professeur au lycée technique de Monaco. On avait des cours d’œnologie, et c’est vraiment lui qui m’a donné envie de faire de la sommellerie.

Maxime Pastor Sommelier Louis XV
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Comme un certain nombre de sommeliers, vous avez suivi une formation à l’université du vin de Suze-la-Rousse, dans la Drôme ?

Non, j’ai fait un baccalauréat de technicien (BTn), suivi d’un BTS option B, c’est-à-dire « art de la cuisine et art de la table ». Par la suite, Serge Serrier m’a envoyé faire la mention complémentaire « sommellerie » à Cagnes-sur-Mer, avec Franck Thomas, qui a été mon professeur référent.

« Nous sommes au service du client. Donc, si un client me demande de mettre du Perrier ou du Coca-Cola dans son verre, je le fais. Parce que c’est lui qui a payé la bouteille, et que nous faisons un métier de service. Je ne suis pas là pour dire au client « ça, c’est bien » et « ça, c’est pas bien » »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Comment a débuté votre carrière ?

Pendant un an, j’ai fait mon apprentissage à l’hôtel Hermitage, à Monaco, avec le chef sommelier, Giuseppe Novena. À la fin de l’année, j’ai obtenu ma mention. Pour m’assurer que la sommellerie était vraiment le métier que je voulais faire, pendant six ou sept mois, j’ai vivoté. Je suis allé faire une saison à Courchevel, mais pas en salle. L’année suivante, je suis revenu pour faire une saison à l’Hermitage en tant que commis sommelier. L’ancien assistant de Noël Bajor, le sommelier du Louis XV, Franck Damatte, avait remplacé Giuseppe Novena. J’ai expliqué à Franck Damatte que j’avais envie de voir autre chose. J’avais envie d’aller à Paris. Parce que Paris, c’est là où ça se passe, et c’est là où on peut apprendre le plus. Monaco c’est un très bel endroit. Mais quand on est jeune, il faut partir, et voir du pays pour se former.

Quelle a été la réaction de Franck Damatte ?

Très gentiment, Franck Damatte m’a aidé. Il connaissait bien Sylvain Nicolas, le chef sommelier de Guy Savoy. C’était un bon copain. Ils avaient travaillé ensemble chez le sommelier Philippe Faure-Brac, au bistrot du sommelier, à Valbonne. En septembre 2014, il lui a téléphoné. Mi-septembre, Sylvain Nicolas m’a appelé pour me dire que c’était d’accord et que je pouvais commencer début octobre.

Maxime Pastor Sommelier Louis XV
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Comment s’est passée votre arrivée à Paris ?

L’un de mes meilleurs amis habitait à Paris, dans le 17ème arrondissement, rue des Acacias. Le restaurant du chef Guy Savoy se trouvait rue Troyon, à trois minutes à pied de la rue des Acacias. J’ai donc logé chez cet ami. Mais mes six premiers mois à Paris ont été très compliqués.

« Ce qui fait un bon vin, ce n’est pas forcément son prix, ou sa rareté. Mais le fait qu’après avoir bu un premier verre, on a envie d’en boire un deuxième »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Pourquoi ?

À Monaco, on est dans un calme relatif. Paris, c’est bouillonnant. C’est un autre rythme. La compétition est beaucoup plus importante, de par la densité des chefs qui sont installés dans la capitale, et de par la renommée de la capitale dont on dit qu’elle est la capitale de la gastronomie. De plus, Guy Savoy était mon premier restaurant avec trois étoiles au Michelin, donc je me suis mis beaucoup de pression. Et puis, mes amis et ma famille me manquaient beaucoup. C’était la première fois où j’étais aussi loin des miens, et dans un contexte complètement différent de ce que je connaissais.

Comment êtes-vous parvenu à tenir ?

J’ai eu de la chance. Il y a eu beaucoup de soirs où j’ai craqué. Mais Sylvain Nicolas a cru en moi. Il y avait quelque chose qui me touchait beaucoup : il m’appelait souvent « mon p’tit », et ça me faisait du bien. Car c’est ma mère qui m’appelle « mon p’tit », donc je prenais vraiment ça de manière affectueuse. En janvier 2015, je me suis dit que même si j’étais là depuis quatre mois, je ne m’étais pas vraiment fait violence. Comme on dit dans le métier, il fallait donc que je « tape dedans », pour voir si j’étais vraiment fait pour ce métier. Et si je n’étais pas fait pour ce métier, ce n’était pas grave. Fin janvier 2015, j’ai donc mis la machine en route.

Que s’est-il passé ?

Ça a été complètement différent. J’ai commencé à prendre du plaisir. C’est un tout. Je me suis fait des amis, et j’ai commencé à apprécier la vie parisienne.

En 2016, vous êtes devenu sommelier au restaurant d’Alain Ducasse, au Plaza Athénée : comment passe-t-on d’un trois étoiles Michelin à un autre, de Guy Savoy à Alain Ducasse ?

Quand je suis parti à Paris, je me suis fixé trois grands objectifs. Je voulais travailler dans un restaurant trois étoiles Michelin, dans un palace, et pour le chef Alain Ducasse, au Plaza Athénée. Dans les années 2000, j’avais vu des reportages sur le Plaza, à l’époque où le chef Christophe Michalak était encore là [le chef pâtissier Christophe Michalak a annoncé qu’il quittait le Plaza Athénée fin mars 2016, afin de se consacrer à sa propre marque — NDLR]. Ces endroits me faisaient rêver.

Qu’avez-vous fait pour atteindre vos objectifs ?

J’ai d’abord fait une période de neuf mois dans un palace, le Royal Monceau, toujours à Paris. Et puis, un ami m’a fait savoir qu’un poste d’assistant se libérait au Plaza Athénée. J’ai postulé, et on m’a appelé. Je suis donc allé prendre un café pendant une bonne heure avec celui qui est le chef sommelier du Plaza depuis 2 000, Laurent Roucayrol, chez lui, dans le 17ème arrondissement. Pour gérer la cave du Plaza, Laurent Roucayrol travaillait avec le directeur exécutif de la sommellerie pour le groupe Alain Ducasse, Gérard Margeon. On m’a dit « oui », et cette expérience au Plaza Athénée a duré quasiment six ans.

« À partir de début octobre, on reprend les déplacements, car il est important d’aller au contact avec les vignerons. Ça fait partie du métier de sommelier, qui est aussi un métier de sacrifice et de passion, car ce sont des moments que l’on ne passe pas en famille »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Que retenez-vous de ces presque six années passées au Plaza Athénée ?

En prenant un poste d’assistant, j’ai appris sur l’aspect managerial. Car il s’agit d’un poste à responsabilités. On dirige des gens. J’ai appris à gérer la pression. Fréquenter le “back office” [l’arrière-boutique — NDLR] a aussi été formateur. J’ai parlé de Laurent Roucayrol, mais Gérard Margeon m’a beaucoup appris aussi. Il m’a enseigné la rigueur, la gestion de la carte des vins, les dégustations… Quand on est dans une grande maison comme le Plaza, elle vous fait grandir, elle vous fait passer à un autre niveau. Enfin, à l’époque, le chef Alain Ducasse avait ses bureaux rue du Bocador, donc on le voyait tous les jours. Tous les jours, il vous pousse à donner le meilleur, et à ne jamais vous endormir.

Maxime Pastor Sommelier Louis XV
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Vous avez ensuite pensé à poursuivre votre carrière à l’étranger ?

Je n’ai pas pensé à poursuivre ma carrière à l’étranger. Car j’ai une fille qui a maintenant 4 ans, et avec ma femme, on était bien à Paris. Donc, début janvier 2022, on a décidé d’acheter un appartement à Rueil-Malmaison, une commune située dans le département des Hauts-de-Seine, en région Île-de-France. À cette période, nous n’avions pas encore déménagé, nous étions encore dans le 18ème arrondissement, à Montmartre.

Comment êtes-vous revenu à Monaco ?

Alain Ducasse m’a appelé. Il m’a demandé de lui répondre par « oui » ou par « non ». Et il m’a proposé de venir travailler au Louis XV, à Monaco. Ce restaurant est le premier à avoir obtenu trois étoiles au Michelin dans un palace. Le Louis XV, c’est aussi une vitrine internationale pour mon pays. Donc pour moi, venir travailler ici, c’était un rêve. J’ai donc tout de suite dit « oui » à Alain Ducasse.

Il a donc fallu oublier l’appartement à Rueil-Malmaison, et imaginer rapidement une solution pour revenir sur la Côte d’Azur ?

J’ai la chance d’avoir toute ma famille en principauté. Donc pour la logistique, c’était plus simple. Nous avons trouvé un appartement. Depuis septembre 2022, ma femme et ma fille m’ont rejoint ici.

« Quelques bouteilles peuvent quasiment relever du mysticisme, du religieux. Quand on goûte certaines bouteilles, on ne sait jamais si on boira encore de ce vin, tellement c’est exceptionnel »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Vous allez devoir gérer l’une des plus belles caves du monde : vous ressentez une forme de pression ?

À moi d’être à la hauteur des lieux et de m’intégrer au sein des équipes. Au Louis XV, il y a un héritage, une tradition, et un patrimoine à perpétuer. Ensuite, je pourrai apporter ma touche personnelle. Pour la gestion de la cave, qui abrite 300 000 bouteilles, on travaille en étroite collaboration entre les chefs sommeliers des différents points de vente de la Société des Bains de Mer (SBM), et avec Gennaro Iorio qui est le chef caviste de la cave centrale de la SBM. Le vendredi, nous faisons des réunions de dégustation et de référencement. C’est donc un travail collectif pour avoir les vignerons confirmés, les vignerons de demain, et aussi disposer de tous les grands classiques.

Quel est l’éventail de prix pour les vins au Louis XV ?

Au Louis XV, pour les vins, les prix vont de 70-80 euros, jusqu’à 20 000 euros, et un peu plus.

Quel type de bouteille proposez-vous pour 20 000 euros ?

Pour 20 000 euros, nous proposons de grands millésimes de Petrus ou de Romanée-Conti.

Comment résumer votre métier ?

Si je devais résumer mon métier en trois mots, je dirais : passion, humilité, et partage. Passion, parce qu’on ne peut pas faire ce métier si on n’est pas passionné. Humilité, parce qu’il y a toujours beaucoup à apprendre. Partage, parce qu’on a envie de faire découvrir aux gens nos découvertes, ou partager des moments en ouvrant des grands ou des petits vins.

Le dialogue entre le sommelier et le client n’est pas toujours simple : comment vous-vous y prenez ?

Nous sommes au service du client. Donc, si un client me demande de mettre du Perrier ou du Coca-Cola dans son verre, je le fais. Parce que c’est lui qui a payé la bouteille, et que nous faisons un métier de service. Je ne suis pas là pour dire au client « ça, c’est bien » et « ça, c’est pas bien ». Si un client me demande des conseils, je lui dirai ce qui me semble être le meilleur choix. Le métier de sommelier nécessite beaucoup de psychologie. Il est important de bien comprendre la demande du client. Mais il n’y a pas de règles. Si un client ne boit que du vin rouge et qu’il mange du poisson, ce n’est pas grave, on trouvera un vin qu’il pourra boire avec.

Un vin cher, c’est forcément un bon vin ?

Le vin est fait pour être bu. Ce qui fait un bon vin, ce n’est pas forcément son prix, ou sa rareté. Mais le fait qu’après avoir bu un premier verre, on a envie d’en boire un deuxième.

Comment vous identifiez-vos producteurs de vins ?

Les neuf derniers mois, tous les week-ends, j’étais dans un vignoble. L’été, on voyage un peu moins, tout comme en septembre, pendant les vendanges. À partir de début octobre, on reprend les déplacements, car il est important d’aller au contact avec les vignerons. Ça fait partie du métier de sommelier, qui est aussi un métier de sacrifice et de passion, car ce sont des moments que l’on ne passe pas en famille.

Vous voyagez où ?

Je vais souvent en Italie, souvent dans le Piémont, qui est à environ trois heures de Monaco. Quand je pars en vacances, j’essaie toujours de choisir un endroit où je pourrai visiter un vignoble. C’est ce que j’ai fait en Grèce, à Santorin. Ou en Sicile. Même lorsque j’étais dans les îles éoliennes, à Salina, je me suis débrouillé. J’ai rencontré M. Fenech, qui fait un très bon vin, avec son Malvasia Delle Lipari. Toujours à Salina, l’hôtel le Signum, tenu par la famille Caruso, avec Martina Caruso en cuisine, est aussi un très bel endroit.

Votre métier ne s’arrête pas au vin : du thé au saké, du café à la bière, le sommelier doit aujourd’hui maîtriser toutes les boissons liquides, alcoolisées ou non, et leurs accords possibles avec la nourriture ?

Dans certains restaurants, c’est le sommelier qui s’occupe des cafés. Au Louis XV, ce n’est pas le cas, mais on doit néanmoins pouvoir parler de toutes les boissons qui sont proposées. Le rôle du sommelier, c’est d’expliquer toutes les boissons servies, y compris les eaux.

Votre métier évolue : il s’ouvre davantage aux femmes ?

J’ai toujours travaillé avec des femmes. Quand j’ai commencé, il y a dix ans, il y avait autant de femmes en salle qu’aujourd’hui. Dans le vin, il y a de très grandes vigneronnes, comme il y a de très grands vignerons. Et il y a aussi de très grandes sommelières, comme de très grands sommeliers. Au Louis XV, je travaille avec Hélène Dutech qui est une excellente assistante. Cela fait six ans qu’elle est ici.

Autre changement : désormais, face au client, le sommelier utilise moins de mots techniques ?

Tous les termes techniques, liés à la vinification, il faut oublier tout ça. Je préfère utiliser quelques phrases d’accroche, avec trois ou quatre adjectifs, et chercher à donner une indication au client qui soit la plus juste et la plus simple possible. Il faut aller vers davantage de simplicité. Si des clients sont plus « techniciens », on peut engager la conversation sur ce terrain-là. Mais il faut qu’il y ait une demande bien spécifique.

« À Paris, dans le 18ème, près de chez moi, à côté de la rue Ramey, il y a les bureaux du label de musique électronique créé et dirigé par Pedro Winter, Ed Banger Records. Donc je croisais souvent Pedro Winter, Justice, Myd, Kavinsky… C’était extraordinaire »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Tendre la carte des vins à l’homme plutôt qu’à la femme sans demander qui veut l’avoir, inviter l’homme à goûter plutôt que la femme : c’est vraiment terminé tout ça ?

Quand les clients arrivent et qu’on les installe à table, un petit carnet permet de savoir quelle langue ils parlent, s’il y a des problèmes d’allergies ou des restrictions, et qui a pris la réservation. Une règle dans le métier impose que l’on donne la carte avec les prix à la personne qui a fait la réservation. On donne également automatiquement la carte des vins à la personne qui a fait la réservation. Quand je suis face à Madame et à Monsieur, j’aime bien voir les clients regarder la carte des vins à deux, et les voir se consulter pour décider de ce qu’ils vont boire. J’aime bien faire goûter Madame, par respect de la préséance et, en règle générale, les gens apprécient. Ils sont plutôt flattés, et ça casse un petit peu les codes.

Vous auriez pu devenir œnologue ?

Non, je n’aurais pas pu devenir œnologue, parce que je suis nul en mathématiques et en physique. C’est vraiment un autre métier, puisqu’il s’agit de vérifier la composition chimique du vin et de s’assurer de son équilibre. L’œnologue a davantage un rapport scientifique au vin. Le sommelier est davantage dans la partie commerciale, et dans l’analyse organoleptique [l’analyse de tout ce qui peut exciter un récepteur sensoriel — NDLR]. C’est différent.

Pour être sommelier, il faut parler plusieurs langues ?

Je parle français, anglais, et italien. Pendant le confinement, je me suis aussi mis à l’espagnol. Je vais m’y remettre, car c’est une langue agréable à parler.

« J’apprécie beaucoup la scène musicale de Manchester, notamment la new wave, John Cooper Clarke, Joy Division, New Order, The Falls, The Smith, les Stone Roses… »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Les concours de « meilleur sommelier du monde », vous en pensez quoi : ça a du sens pour vous ?

Les concours de « meilleur sommelier du monde » ne m’intéressent pas, parce que je ne suis pas très « concours ». Mais j’ai du respect et de l’admiration pour les gens qui font ces concours, parce qu’ils sont totalement impliqués dans le métier, 24 heures sur 24. Je suis passionné par ce métier, mais j’ai d’autres centres d’intérêts, en plus de la sommellerie.

Qu’est-ce qui vous passionne, à part la sommellerie ?

J’ai une très grande passion : c’est la musique. Je ne joue pas, mais j’en écoute beaucoup. J’écoute un peu de tout, mais j’aime particulièrement le rock anglais, des années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Quand j’étais petit, j’assistais à des concerts de musique classique avec mon grand-père. Ma mère en écoutait beaucoup aussi. Quand j’étais à Paris, j’ai rencontré un couple qui tenait une boutique de vinyles dans la rue du Mont-Cenis, dans le 18ème arrondissement de Paris. Je passais chaque week-end une après-midi à écouter de la musique dans leur boutique, de 14 heures à 19 heures. Ce disquaire a travaillé à Londres. Il était très ami avec le patron du label Skydog, Marc Zermati (1945-2020), qui a été le premier à organiser des festivals punk en France, à Mont-de-Marsan. Sinon, je passe aussi du temps avec le cousin de ma femme, qui est lui aussi un passionné de musique, et qui possède une énorme collection de disques, et un “sound system” de folie.

Quels sont les groupes que vous aimez le plus ?

J’aime bien les groupes comme The Pretty Things, Small Faces, et Faces, des groupes formés dans les années 1960. J’écoute aussi beaucoup de groupes punks, comme les Clash, The Damned, Eddie and the Hot Rods, et les Buzzcocks. Je suis aussi un grand fan d’Oasis, et surtout de Noel Gallagher. J’apprécie beaucoup la scène musicale de Manchester, notamment la new wave, John Cooper Clarke, Joy Division, New Order, The Falls, The Smith, les Stone Roses… J’ai d’ailleurs lu un très beau livre de Michel-Angelo Fédida (1) sur la scène musicale de Manchester. Malheureusement, je n’ai pas encore pu me rendre à Manchester. Mais j’ai toujours baigné dans la musique. À Paris, dans le 18ème, près de chez moi, à côté de la rue Ramey, il y a les bureaux du label de musique électronique créé et dirigé par Pedro Winter, Ed Banger Records. Donc je croisais souvent Pedro Winter, Justice, Myd, Kavinsky… C’était extraordinaire.

Il y a des points communs, voire même des passerelles, entre le vin et la musique ?

Il y a beaucoup de similitudes entre le vin et la musique. Notamment la sensibilité, et la possibilité de découvrir de nouvelles choses. Quand on est plus jeune, on n’est pas réceptif à un certain style de musique, et quand on débute le métier de sommelier, on n’est pas réceptif à un certain style de vin. Ensuite, on évolue.

Quels sont le vin et le style musical que vous n’aimiez pas, et que vous avez appris à aimer ?

Pour les vins, j’ai toujours été assez curieux, donc je n’ai jamais vraiment eu de frein. Je parlerais donc plus de « compréhension », sur des vins oxydatifs, comme, par exemple, les vins jaunes du Jura. Pour la musique, quand j’ai découvert les groupes américains des années 1960 et 1970, j’avais du mal à comprendre les musiques de La Monte Young. Et puis, quand j’étais à Paris j’ai réécouté ces albums, qui étaient publiés par le label français d’avant-garde Shandar, qui n’existe plus aujourd’hui. Et j’ai finalement trouvé qu’il y avait parfois du génie.

« Le vin, c’est aussi des souvenirs. J’ai bu mes premiers grands Bordeaux avec mon père. Les premiers grands Bourgogne, c’était avec ma mère. Le vin c’est une madeleine de Proust. On s’en souvient toute sa vie »

Maxime Pastor. Chef sommelier au Louis XV

Plus globalement, le vin, ça évoque quoi pour vous ?

Le vin évoque le plaisir. Je ne bois jamais de vin seul. C’est toujours un moment partagé. Le vin, c’est un tout. Ce sont aussi les gens qui le font, c’est le patrimoine, l’Histoire… Cela peut avoir un côté festif. Quelques bouteilles peuvent quasiment relever du mysticisme, du religieux. Quand on goûte certaines bouteilles, on ne sait jamais si on boira encore de ce vin, tellement c’est exceptionnel. Le vin, ce sont aussi des souvenirs. J’ai bu mes premiers grands Bordeaux avec mon père. Les premiers grands Bourgogne, c’était avec ma mère. Le vin c’est une madeleine de Proust. On s’en souvient toute sa vie.

1) Manchester – L’éveil d’une scène musicale de Michel-Angelo Fédida (MJW Edition/Hors Collections), 314 pages, 25 euros. La chronique de ce livre est à retrouver dans Culture Sélection de juillet-août 2021, publiée dans Monaco Hebdo n° 1207.