jeudi 28 mars 2024
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Une spécialiste des questions internationales à la tête du parquet

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Lundi 1er octobre, la nouvelle procureure générale de Monaco, Sylvie Petit-Leclair, a été officiellement intronisée dans ses fonctions. Avec près de 15 ans de carrière à l’étranger sur les questions de coopération internationale, cette Loraine apportera son expertise à la principauté.

« M. Jacques Dorémieux vous transmet la barre d’un navire qui, malgré de récents et forts mouvements de houle, est en bon ordre de marche. » Cela a été l’une des seules références à l’actualité qui a secoué les services judiciaires monégasques, suite à l’affaire Rybolovlev. Hervé Poinot, procureur général adjoint de Monaco, a présenté, lundi 1er octobre 2018, la nouvelle procureure générale, Sylvie Petit-Leclair, intronisée officiellement lors de cette audience solennelle de rentrée judiciaire. Hervé Poinot a salué la brillante carrière de cette Lorraine d’origine, âgée de 63 ans, qui « suffira à montrer que rien de ce qui touche à l’organisation de la justice et plus particulièrement du parquet ne vous est étranger. »

Formée à l’école nationale de la magistrature avec la promotion 1979 après des études universitaires à la faculté de droit de Nancy, Sylvie Petit-Leclair a d’abord exercé comme juge d’instance, ou de grande instance, de 1981 à 1995. Vice-présidente en charge de l’instruction à Versailles pendant 4 ans, elle devient en 1999, la première femme magistrat de liaison aux Pays-Bas. « Fonction créée pour la première fois à Rome en 1993, le magistrat de liaison français à l’étranger est un représentant de la justice française à l’étranger, a précisé Hervé Poinot. Mis à la disposition par le ministère de la justice auprès de ministère des affaires étrangères et européennes et placé sous l’autorité de l’ambassadeur, il est ce que vous [Sylvie Petit-Leclair – N.D.L.R.] avez qualifié lors d’une interview un « facilitateur juridique » dans les affaires civiles ou pénales, liant les deux Etats. » 

Eurojust

Après quatre ans aux Pays-Bas, la nouvelle procureure générale de Monaco est nommée substitut général au parquet général de la cour d’appel de Paris de 2003 à 2007. Elle y exerce des fonctions de chef du service international. Puis, c’est comme magistrat de liaison en Grande-Bretagne que Sylvie Petit-Leclair s’illustre pendant trois ans, avant de revenir en France en tant que procureur de la République adjoint à Versailles en 2009. En 2011, elle devient membre national français à Eurojust. Cette entité, basée à La Haye, s’intéresse à la coopération judiciaire de l’Union européenne (UE). « Votre très brillant parcours démontre que vous avez une connaissance précise de l’entraide judiciaire internationale, votre mise à disposition auprès d’Eurojust caractérisant un atout très précieux dans le cadre de vos futures fonctions », a souligné Brigitte Grinda-Gambarini, premier président de la cour d’appel de Monaco.

Normandie et Monaco

En 2014, Sylvie Petit-Leclair revient encore en France, en tant qu’avocat général à la cour de cassation pour exercer les fonctions de procureure générale près la cour d’appel de Caen. « Vous y serez, là encore, la première femme à être nommée à ce poste après 43 hommes », souligne Hervé Poinot. Pour Sylvie Petit-Leclair, le lien, qui ne paraît pas forcément évident de prime abord entre la Normandie d’où elle arrive et Monaco, est pourtant clair. « Une région de France et un Etat, que tout semble distinguer mais que l’histoire rapproche. L’histoire de votre famille, Monseigneur », a-t-elle commenté, à l’intention du prince Albert, présent lors de cette audience. La procureure a fait le lien entre Granville, « perchée sur un rocher face à la mer », comme la principauté, « ce qui lui vaudra le surnom de Monaco du Nord ». « Outre la géographie, Monaco et Granville partagent le fait d’avoir été dirigées par le même homme, Jacques de Goyon (1689-1751), comte de Matignon, qui épousa en 1715, la princesse héréditaire de Monaco, Louise-Hyppolyte Grimaldi, a-t-elle retracé. Plus tard, le prince Honoré V (1778-1841), qui a engagé une politique sociale déterminée en faveur des plus démunis, notamment en instituant l’assistance judiciaire, a au XIXème siècle créé une entreprise destinée à éteindre le paupérisme dans la Manche et le Calvados. » L’intérêt pour les questions internationales de la nouvelle procureure générale a été souligné à plusieurs reprises pendant cette audience de rentrée. « Votre venue à Monaco n’en pouvait être que la suite logique dans l’intérêt de la principauté », a estimé le procureur général adjoint, qui a ajouté que les qualités reconnues de la magistrate l’ont amenée à être entendue par le Sénat français sur « le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’UE et des engagements internationaux de la France. En ces temps de négociations monégasques, vous ne pourrez qu’être une alliée de poids et de qualité dans vos nouvelles fonctions, avec le souci permanent d’apporter votre aide et votre expérience ». Les négociations avec l’UE ont également été abordées par la nouvelle procureure générale, qui a dit s’en réjouir. « Elles seront, je l’espère, à court terme ou dans l’avenir, de nature à favoriser la coopération judiciaire, a développé Sylvie Petit-Leclair. Le parquet reçoit un nombre toujours plus grand de demandes d’entraide pénale internationale et il est certain que les instruments qu’offre la législation de l’UE en la matière constitueraient, à n’en pas douter, une plus-value pour fluidifier et accélérer les procédures, que chacun ici, dans son rôle, traite déjà avec sérieux et célérité. »

« Parfaite harmonie »

La procureure générale a assuré prendre ses fonctions avec humilité. « Je n’ignore rien, en effet, ni de la complexité des dossiers soumis au parquet général, ni de la lourdeur de la tâche qui s’annonce. » Elle a assuré de sa volonté de mobiliser son énergie afin « de répondre aux attentes de l’ensemble des membres de la communauté de justice et des professionnels qui travaillent aux côtés des magistrats ». Saluant « un parquet en parfait ordre de marche », Sylvie Petit-Leclair a affirmé souhaiter travailler « en parfaite harmonie, vers un idéal, un idéal de justice » aux côtés des magistrats du siège et du parquet, mais aussi l’ensemble des fonctionnaires, directeurs de greffe, greffiers, secrétaires, secrétaires généraux et avocats, sans oublier les services de police « qui constituent des interlocuteurs privilégiés ». Une rentrée judiciaire assurément placée sous le signe du renouveau, puisque de nombreux postes ont été renouvelés, suite à des départs à la retraite ou à des changements d’affectation. Parmi les nouveaux venus, Françoise Barbier-Chassaing devient la nouvelle présidente du tribunal de première instance de Monaco. Cette équipe renouvelée compte mener à bien l’ensemble de ses tâches, et récupérer le retard accumulé, en raison des différents départs. « Nous savons ce que nous avons à faire et nous le ferons, en nous inspirant des conseils du philosophe Antonio Gramsci (1891-1937) pour qui « le pessimisme de la connaissance n’empêche pas l’optimisme de la volonté »», a conclu Brigitte Grinda-Gambarini.