mercredi 24 avril 2024
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Des fiches d’hôtels parlantes

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Nokia 3310
A l'origine de l'arrestation de Yakov Ardashnikov, la saisie en août 2005 par la police russe de 300 tonnes de téléphones mobiles et de composants. Une prise estimée à 10 millions de dollars. © Nokia

Un Russe suspecté d’une énorme escroquerie avec 300 tonnes de téléphones portables a été arrêté à Monaco tout simplement grâce à sa fiche d’hôtel.

Hôtel de Paris, au mois d’août. Yakov Ardashnikov, un Russe de 39 ans, passe quelques jours de vacances à Monaco. Avant d’être arrêté le 12 août par la Sûreté publique. Motif?: il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par la Russie pour escroquerie commerciale.

300 tonnes de téléphones mobiles

L’homme n’est pas un inconnu en Russie. En août 2005, la presse russe raconte la saisie par la police de 300 tonnes de téléphones mobiles et de composants. Une prise estimée à plus de 10 millions de dollars. De la marchandise importée illégalement bien sûr. En fait, les autorités russes enquêtent sur cette affaire depuis le mois de janvier pour comprendre qui a organisé les livraisons de ce matériel venu d’Allemagne et de Finlande. Et c’est le nom du patron de World air transport (WAT), Yakov Ardashnikov, qui revient le plus souvent.
Avec une méthode simple?: des entreprises bidons sont créées à partir de passeports perdus ou volés. Ensuite, quand les livraisons de téléphones mobiles et de composants arrivent, ces entreprises fraudent sur le poids, le contenu et le nom des articles livrés dans les containers. Enfin, ce matériel est revendu grâce au réseau de quelques grandes entreprises spécialisées.
Cinq ans plus tard, c’est à Monaco que Yakov Ardashnikov est finalement tombé, trahi par… sa fiche d’hôtel. « Les fiches d’hôtel sont contrôlées tous les jours, toute l’année, explique le directeur de la sûreté publique, André Muhlberger. Ces fiches sont l’un des éléments qui nous permettent de localiser des personnes recherchées dans d’autres pays. D’ailleurs, quand on voyage, il y a encore des pays qui réclament une pièce d’identité pour obtenir une chambre d’hôtel », ajoute Muhlberger. Simple et efficace?: « On a régulièrement des résultats. Environ deux ou trois arrestations chaque année. »

Cacciola et Dvoskine aussi

Exemple?: le 15 septembre 2007, c’est Salvatore Cacciola, un banquier italo-brésilien âgé de 64 ans, qui est arrêté, lui aussi grâce à sa fiche d’hôtel. Un escroc condamné au Brésil à 13 ans de prison en 2005 pour des détournements de fonds estimés à 500 millions d’euros. Finalement, malgré la multiplication de recours, Cacciola est extradé le 16 juillet 2008.
Autre exemple?: le 27 juin 2008, c’est Evgueni Dvoskine, un autre escroc de 42 ans originaire d’Odessa, sous le coup d’un mandat d’arrêt international américain, qui commet l’imprudence de séjourner dans un hôtel monégasque sous sa véritable identité. En 2003, Dvoskine a été condamné avec huit complices pour fraude sur titres et blanchiment d’argent pour un total de 2,3 millions de dollars. Des faits qui remontent à 1997 et 1998 et qui concernaient de grandes entreprises cotées en bourse. Des erreurs à chaque fois fatales et qui semblent assez incroyables. « Difficile de savoir ce qu’il se passe dans la tête de ces personnes, reprend André Muhlberger. Donc on peut considérer qu’il s’agit d’une imprudence. Ou alors, ils ne savent pas qu’ils sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international. »
En tout cas, avec Ardashnikov, pas question de parler de mafia russe. « On colle souvent trop vite l’étiquette « mafia » sans preuves. Ici, on est plus face à quelqu’un qui a trouvé une combine lucrative pour importer illégalement des téléphones portables », estime Muhlberger, pas vraiment étonné par cette histoire de contrebande de téléphones portables?: « Tout le monde est focalisé sur les trafics de stup, parce que c’est très lucratif. Mais il y a d’autres activités qui rapportent beaucoup d’argent. Avec un risque pénal moins élevé. »