jeudi 28 mars 2024
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Monaco reconnaît-il vraiment le changement de sexe ?

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Le tribunal de première instance de Monaco a autorisé une personne franco-monégasque à modifier son état civil, pour passer du sexe féminin au sexe masculin. Il s’agit d’une décision de justice, qui respecte le droit européen en la matière. Monaco Hebdo fait le point.

C’est une décision de justice qui n’est pas passée inaperçue. Le lundi 4 juillet 2022, les juges du tribunal de première instance de Monaco ont fait sensation en reconnaissant le changement de sexe d’une personne franco-monégasque. L’affaire concernait une jeune femme de 22 ans ayant entrepris des démarches pour devenir un homme, et être reconnue comme tel sur son état civil monégasque. Le tribunal lui a accordé ce droit, de manière à ce que la mention « sexe féminin » soit remplacée par la mention « sexe masculin ». Peut-on pour autant affirmer, suite à cette décision de justice, que la principauté reconnaît désormais le changement de sexe des Monégasques ? Pas du tout.

Pas une loi

Il s’agit en l’espèce d’une décision de justice, et pas d’un texte de loi. À Monaco, aucun texte de loi n’est consacré aux questions de genre et de changement de sexe, et cette décision n’y change rien. Les avocats du requérant ont donc dû convaincre les juges qu’il était tout de même possible d’agir sur ces questions, en se basant sur des motifs « justes » et « avérés ». Deux éléments qui ont été retenus par le tribunal. La justice s’est en effet basée sur l’article 77-11 du code civil monégasque relatif à « l’immutabilité du prénom, qui ne peut être modifié que pour de justes motifs ». La question était de savoir si une demande de changement d’état civil au motif de transsexualisme était considérée comme un motif dit « juste ». Pour le caractère « avéré » de la démarche, le tribunal a été convaincu par le fait que le requérant avait démontré par lui-même sa conviction d’appartenir, dès son plus jeune âge, au sexe opposé. Et qu’il avait bénéficié d’un accompagnement thérapeutique « de manière libre et éclairée », pour se transformer physiquement, et de façon irréversible. Ensuite, le requérant — qui a la double nationalité franco-monégasque — avait déjà fait rectifier son prénom en France, et l’avait fait retranscrire sur son acte de naissance monégasque, la justice se retrouvait donc face au fait accompli. Mais ce n’est pas tout.

Il reste encore la possibilité pour le parquet de revoir cette décision, et d’aller à son encontre. Qu’en sera-t-il ? Contacté par Monaco Hebdo, le parquet mentionne simplement qu’il « étudie cette décision », sans réfuter un éventuel recours

CEDH

Si Monaco est un État souverain, en ce qui concerne le changement de sexe, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) protège particulièrement la reconnaissance du genre, et le droit d’établir son identité de genre. En l’état, il appartient à la justice monégasque de se « mettre à jour » et d’adapter ses décisions de justice à celles qui ont été rendues à Strasbourg. Cependant, il reste encore la possibilité pour le parquet de revoir cette décision, et d’aller à son encontre. Qu’en sera-t-il ? Contacté par Monaco Hebdo, le parquet mentionne simplement qu’il « étudie cette décision », sans réfuter un éventuel recours.