vendredi 29 mars 2024
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Pourquoi l’activité judiciaire bondit, alors que la délinquance diminue à Monaco ?

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Lors de son bilan 2021 présenté à la presse, Richard Marangoni, contrôleur général de la Sûreté publique, a dévoilé les chiffres de Monaco en matière de sécurité. La délinquance reste à un niveau très peu élevé, mais, point étonnant, l’activité judiciaire a particulièrement augmenté. Monaco Hebdo fait le point.

C’est, à première vue, difficile à comprendre : la délinquance a conservé un niveau particulièrement bas à Monaco en 2021, mais l’activité judiciaire a plus que doublé. Sur le papier, ce devrait logiquement être l’inverse. Mais sur le papier seulement. Dans le détail, la délinquance générale diminue de 32 % entre 2016 — année de la prise de fonction du contrôleur général de la Sûreté publique, Richard Marangoni — et 2021, avec 716 cas enregistrés l’an dernier. Soit à peine plus qu’en 2020, où l’on en comptait 712. Pour ce qui est de la délinquance de voie publique, c’est encore mieux, puisqu’elle dégringole de 74 % depuis 2016, avec 48 cas enregistrés en 2021, contre 60 en 2020.

« Une partie de l’instruction que peut recevoir le parquet général ne débouche pas nécessairement sur des procédures judiciaires, mais plutôt sur des vérifications, en prévention d’une infraction »

Jean-François Mirigay. Chef de la division de police judiciaire

Accidents

Parmi les faits recensés, ce sont surtout les accidents de la circulation qui font le malheur de la principauté, avec 510 cas déplorés en 2021 (contre 565 en 2020), suivi de 132 cas d’ivresse sur voie publique (contre 143 en 2020), 85 cas d’usage de stupéfiants (contre 107 l’an dernier) et 60 cas de conduite sous alcool (contre 77 il y a un an). Outre quatre cas de vols de véhicule léger, les seuls enregistrés depuis deux ans, et un cas supplémentaire de vol à la tire comparé à 2020, l’ensemble des infractions sont en baisse en 2021. À noter que la plupart des auteurs de ces faits ont été identifiés et interpellés par les services de la sûreté publique, comme l’a précisé Richard Marangoni, contrôleur général, en conférence de presse. Tout va donc pour le mieux, ou presque, mais comment expliquer alors que l’activité judiciaire tourne à plein régime ? En effet, le nombre d’instructions au parquet a augmenté de + 61 %, passant de 718 cas l’an dernier à 1 158 en 2021. Même chose pour le nombre de commissions rogatoires (+24 %), avec 152 cas contre 122, et le nombre de commissions rogatoires internationales, la plus forte hausse de l’année (+63 %) avec 77 cas contre 47 en 2020.

Sûreté publique bilan 2021
© Photo Stephane Danna / Direction de la Communication

« La justice a un important rôle préventif, c’est dans l’ADN de Monaco. Il s’agit d’intervenir en amont, avant que l’infraction ne soit commise. »

Richard Marangoni. Contrôleur général de la Sûreté publique

Prévention

La raison de cette tendance surprenante ? Jean-François Mirigay, chef de la division de police judiciaire, donne l’explication : « Une partie de l’instruction que peut recevoir le parquet général ne débouche pas nécessairement sur des procédures judiciaires, mais plutôt à des vérifications, en prévention d’une infraction. » Comme l’assure Richard Marangoni en effet, « la justice a un important rôle préventif, c’est dans l’ADN de Monaco. Il s’agit d’intervenir en amont, avant que l’infraction ne soit commise. » Autre raison évoquée par Jean-François Mirigay : « Les récentes augmentations d’effectifs de la justice, avant 2021, ont engendré une activité croissante qui explique en partie l’augmentation de l’activité judiciaire. Plusieurs demandes et renvois complémentaires sont également enregistrés sur une même affaire […]. Également, la coopération avec les autorités judiciaires étrangères, pour des affaires financières ou de passage physique, expliquent grosso modo cette augmentation des chiffres. »

Depuis le début de la crise, en mars 2020, 12 707 verbalisations on été enregistrées par la sûreté publique, pour 72 964 observations réalisées par les agents

Recrutements

Toujours dans l’esprit de prévention de la délinquance, Monaco poursuit le partenariat entre la Sûreté publique et plusieurs secteurs clés du privé, à travers le programme « Monaco Safe City ». Les syndics d’immeubles, mais aussi les professionnels des boutiques de luxe, des hôtels, des restaurants et, surtout, des banques, et récemment du consul, sont censés être formés aux bons gestes et réflexes pour prévenir les actes de délinquances dans le cadre de ce programme. En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, des avancées devraient d’ailleurs suivre en matière de coopération entre acteurs, selon l’issue du prochain débat au Conseil national. Trois textes seront en effet présentés fin janvier 2022, comme l’a confirmé le conseiller-ministre à l’intérieur, Patrice Cellario. Mais ce type de partenariat n’empêche pas pour autant de renforcer les effectifs de la sûreté publique : une trentaine de personnels supplémentaires devrait être recrutée, tous azimuts, d’ici 2025, toujours selon le conseiller-ministre. Les besoins en termes de sécurité sont croissants, tant pour assurer le bon déroulement des évènements à venir, notamment pour le centenaire de la disparition du prince Albert Ier, mais aussi pour répondre aux bouleversements provoqués par la crise sanitaire. Ce n’est pas une surprise, la pandémie du Covid-19 a nécessité la mobilisation de nombreux effectifs pour appliquer les mesures gouvernementales afin de lutter contre la propagation du virus. Depuis le début de la crise, en mars 2020, 12 707 verbalisations ont été enregistrées par la sûreté publique, pour 72 964 observations réalisées par les agents. Outre les passants, il a aussi été nécessaire de contrôler le respect des règles sanitaires dans les établissements de bouche. Ainsi, 29 fermetures ont été prononcées en 2021, pour 20 établissements. Et l’épisode Covid-19 n’est toujours pas derrière nous.

Les affaires élucidées en 2021

« Monaco n’est pas une bulle », a rappelé Richard Marangoni en conférence de presse, et quatre arrestations marquantes l’ont illustré l’an dernier. La dernière dans la nuit du 26 novembre 2021 : trois individus aux visages dissimulés ont cambriolé l’antiquaire Monte Carlo Antiquité, situé boulevard des Moulins. Après avoir brisé la vitre du magasin, ils avaient dérobé des sacs de maroquinerie, des objets de luxe et des bijoux de valeur. Ils ont tous les trois été interpellés, en partie grâce à la collaboration des homologues français, qui ont permis d’identifier les auteurs des faits. La seconde arrestation s’est produite lors du dernier Grand Prix de Monaco, mais deux ans après les faits. En effet, un homme était suspecté de plusieurs cambriolages survenus entre juin et septembre 2019 dans des immeubles de haut standing. Introuvable depuis, il a finalement été interpellé le 22 mai 2021, lors d’une tentative de vol par escalade. La troisième concerne un vol à l’arrachée d’un sac à main, commis le 29 avril 2021 devant une boulangerie monégasque. L’homme, âgé de 33 ans, sous l’emprise de psychotropes, a été interpellé quasi immédiatement, grâce à un dispositif mis en place par la sûreté publique, qui a ainsi pu rendre le sac à sa propriétaire. Enfin, la quatrième affaire concerne un vol sans effraction par deux jeunes femmes interpellées en août 2021 grâce au réseau de caméras, au Larvotto. L’une d’elles faisait d’ailleurs l’objet d’un mandat international délivré par Interpol Belgique, suite à plusieurs dizaines de vols par effraction dans ce pays. Les deux jeunes femmes ont été arrêtées avant d’avoir pu voler leurs victimes.