vendredi 29 mars 2024
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Union européenne :
l’accord qui fait peur

Publié le

Alors que les négociations avec Bruxelles pourraient démarrer à la fin 2014, un rapprochement avec l’Union européenne inquiète les professions libérales. Médecins, architectes, dentistes et experts-comptables ont décidé de former un collectif pour défendre leurs intérêts.

 

Sur quel accord aboutiront les négociations avec l’Union européenne ? Alors que les services de l’Etat se mettent en ordre de marche pour démarrer les discussions avec Bruxelles, en ville, souffle un vent de panique chez les professions réglementées. Avocats, dentistes, architectes, médecins… Beaucoup craignent d’être le « dindon de la farce » dans l’hypothèse où l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE), impliquant une liberté d’établissement et de circulation (et donc une concurrence accrue), soit relancée. Ou si au fil des négociations avec “l’ogre européen”, Monaco soit contraint de lâcher le quasi-monopole qu’ont les Monégasques dans le cadre de ces professions réglementées. En clair, si l’on prend l’exemple des avocats, il s’agirait d’autoriser aux ressortissants des pays européens de s’installer à Monaco alors qu’aujourd’hui, seuls les nationaux peuvent passer le concours du barreau monégasque et doivent assister obligatoirement les clients (même uniquement en tant que postulants). Dans L’Observateur de Monaco, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Monaco, Me Richard Mullot, avait exprimé ses craintes dès le mois de mai : « Demain, n’importe qui pourrait s’installer avocat à Monaco. Ceci entraînerait à très court terme la disparition de notre profession telle qu’elle existe depuis des siècles. »

 

Collectif

Unis par cette crainte du lendemain, architectes, avocats, médecins, dentistes et avocats sont alors en train de former un collectif afin d’asseoir leur position commune. Et défendre leurs intérêts. Et ce, même si chaque profession a une situation unique. (Ainsi, les experts comptables monégasques ont quasiment tous vendu leur cabinet à un Big 5 étranger). « Les professions réglementées peuvent légitimement s’inquiéter lorsqu’on entend le ministre d’Etat qui répète constamment que la ligne rouge est de ne perdre aucune spécificité et qu’on ne lâchera rien. Ce sont des effets de manche ! », explique Jean-Michel Cucchi, président de l’ordre des médecins. « Entre l’intérêt supérieur de l’Etat et la défense de corporations qui ne pèsent pas bien lourd, jusqu’où tiendra-t-il cette position ? », s’interroge le conseiller national.

Pour l’heure, l’élu préfère éviter toute position dogmatique sur un éventuel accord. « Je ne peux pas me prononcer définitivement. On ignore ce que l’Union européenne peut nous apporter sur le plan économique en contrepartie : le gouvernement n’a fait aucune étude d’impact pour évaluer les conséquences pour les entreprises monégasques ! Est-ce que Monaco va vendre 4 boîtes de Cachou supplémentaires ? » ironise-t-il. On sait déjà que le secteur pharmaceutique-cosmétique, pénalisé par l’absence de reconnaissance dans certains Etats européens, pourrait bénéficier d’un accord élargi avec l’Union européenne. « Pour le reste, c’est peanuts », juge un dentiste.

 

Garanties

Les discussions avec l’Union ne démarreront que lorsque Bruxelles aura défini son mandat de négociation avec les petits Etats et confié ce mandat. Pour autant, toutes les hypothèses circulent déjà sur le “comment va être gérée cette problématique des professions réglementées”. Notamment la piste de quotas d’étrangers par profession. « C’est une fausse bonne idée, jauge Jean-Michel Cucchi. Pour les médecins, comment pourrait-on établir des quotas ? Par spécialité (de dermatologues, chirurgiens, etc) ? Et quels droits auraient les médecins étrangers ? Les médecins étrangers pourraient-ils vendre leur cabinet ? » Une fois mis en place, le collectif demandera sans doute au gouvernement des garanties. Si le ministre d’Etat a toujours tenu publiquement des propos rassurants pour évacuer ces craintes, visiblement, les présidents des ordres de ces professions réglementées demandent plus que des mots.

 

Une étude sur les réserves possibles

En attendant, en coulisses, le gouvernement planche actuellement sur une étude juridique comparative des dispositions légales et réglementaires monégasques avec celles de l’UE. Et surtout sur les réserves que Monaco pourrait négocier avec l’Union européenne pour « assurer le maintien de ses spécificités ». Ce qui implique logiquement les professions libérales. Ces travaux, le ministre d’Etat les a confiés à la société AVISA, et à ses consultants, Michel Petite et Jacques Lafitte. Logique : Michel Petite a conseillé par le passé trois présidents de la Commission européenne, Jacques Delors, Romano Prodi et José Manuel Barroso… Cela peut toujours servir pour faire passer quelques messages aux décideurs européens.

 

Coup de pub

Après “Un rôle à part dans le monde”, Monaco a européanisé sa campagne de communication avec pour slogan “La principauté de Monaco, une singularité qui profite à l’Europe”. Pour ses opérations de lobbying et de mise en contact avec les autorités européennes, le gouvernement a misé sur l’action de conseillers. Notamment le président de la Fondation Robert Schuman, Jean-Dominique Giuliani ou encore VAE Solis.