vendredi 19 avril 2024
AccueilActualitésInternationalTransparence fiscale Un pas en avant et des zones d’ombre

Transparence fiscale
Un pas en avant et des zones d’ombre

Publié le

L’Union européenne et Monaco ont signé lundi 22 février un accord pour aller vers plus de transparence fiscale. A compter de 2018, la Principauté et les 28 Etats membres de l’UE échangeront automatiquement des informations sur les comptes financiers de leurs résidents respectifs. Mais des experts estiment qu’il sera encore techniquement possible de rester opaque.

 

Après la Suisse, le Liechtenstein, San Marin et Andorre, la Principauté vient de signer un accord permettant dès 2018 l’échange automatique d’informations fiscales. Concrètement, les Etats membres de l’Union européenne (UE) pourront connaître les noms, les adresses, les numéros d’identification fiscale, les dates de naissance des résidents possédant des comptes à Monaco, ainsi que le solde de ces comptes. « Le paraphe d’aujourd’hui marque une nouvelle étape majeure dans nos efforts en faveur d’une plus grande transparence fiscale et d’une imposition plus juste, plus efficace et plus équitable en Europe. Il permet le renforcement de la coopération et de la confiance entre l’UE et Monaco. Cela concourt à clore l’opacité et les suspicions d’évasion fiscale, mais aussi d’en finir avec une certaine image d’un Monaco paradis fiscal », a estimé Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières. Comme le ministre d’Etat, Serge Telle, Moscovici s’est félicité des progrès réalisés par la Principauté vers la voie d’une plus grande transparence. « Nous sommes alliés dans le combat international pour une plus grande transparence fiscale. Cela met fin à la possibilité pour les contribuables d’échapper au paiement de l’impôt », a lancé le commissaire européen, en précisant que cette étape ne serait pas la dernière.

 

Listes

Dans sa ligne de mire, la lutte contre l’optimisation fiscale ou ce qu’il appelle « la planification fiscale agressive ». En fait, lutter contre « ceux qui peuvent frauder au bénéfice de contribuables honnêtes ». Ce 22 février est une petite révolution pour les 2 km2 de la Principauté. Il est surtout le fruit de deux ans et demi de discussions. « Cette négociation bilatérale permet d’aboutir à un texte qui prend en compte les spécificités de Monaco, tout en s’assurant d’un traitement égal avec les textes conclus avec les autres Etats tiers. La transparence en matière fiscale contribue à l’attractivité de Monaco », a insisté Jean Castellini, conseiller de gouvernement pour l’économie et les finances. Tout en insistant sur la problématique fondamentale pour le micro-Etat : une sortie définitive des listes discriminatoires édictées par neuf états membres. « Il serait difficilement compréhensible que la mise en œuvre de cette nouvelle étape ne soit pas accompagnée par une sortie des listes discriminatoires dès l’entrée en vigueur de l’accord. » Sur ce point « essentiel », le gouvernement monégasque souhaite obtenir des garanties « avant la prochaine étape de la signature ». Les services de Castellini vont donc contacter dans les prochaines semaines les neuf pays concernés « pour que cette question soit définitivement derrière nous ».

 

Opacité

Mais est-ce que ce genre d’accord suffit pour dire que les banques privées sont réellement transparentes et ont abandonné l’image d’opacité qu’on leur a longtemps prêté ? Pour Castellini, les pratiques opaques ont disparu depuis plusieurs années. « La recherche de cette clientèle non déclarée et non résidente n’est pas le business model des établissements financiers monégasques. Aucun établissement ne souhaiterait attirer l’attention vers lui et prendre un risque réputationnel. » Moscovici a différencié transparence et performance : « La transparence, ce n’est pas la fin de la compétitivité, de l’innovation, de l’imagination, de la performance économique, mais la fin de l’opacité et la fin d’un certain nombre de pratiques que la morale publique réprouve. Je rappelle que tous ces textes ont vocation à devenir des standards mondiaux. Oui, nous allons vers la fin du secret bancaire. » Pour ce commissaire européen, « il y a aura toujours d’excellentes banques en Suisse, il y a toujours de très bons établissements financiers à Monaco… Il ne sera plus besoin de recourir à ces mécanismes opaques et contraires à une certaine éthique. Le secret bancaire est terminé. La compétition des banques va continuer sous d’autres formes. » Il faudra attendre que le Conseil national ratifie cet accord, ce qui devrait être le cas d’ici 2018. Certains experts estiment que cela laisse suffisamment de temps pour s’adapter aux nouvelles règles du jeu.

 

Astuces

Du coup, beaucoup se posent la question : tout cela est-il vraiment suffisant pour mettre un terme à l’opacité financière en Principauté ? Pas si sûr. Car cette transparence automatique ne concerne que la lutte contre la fraude fiscale. Le blanchiment d’argent n’est pas concerné. En clair, les enquêtes concernant ce genre de fraudes continueront à fonctionner par le biais de demandes officielles entre Monaco et les pays concernés. Sur Twitter, les réactions ne se sont pas faites attendre, beaucoup s’interrogeant sur l’absence d’impact de cet accord sur l’affaire de blanchiment qui touche la banque Pasche Monaco. Pendant que d’autres pointent déjà quelques astuces pour contourner cette transparence automatique. « La transparence économique consiste à donner le solde des comptes à une date fixe, connue à l’avance. Pour caricaturer, rien n’empêche un détenteur de compte de transférer ses fonds ailleurs quelques jours avant la date limite pour ne pas avoir à les communiquer précisément. Ensuite, dans le cas d’une grande entreprise ou d’un trust, les bénéficiaires exacts ne seront connus que lorsqu’ils représentent 25 % de la structure », a expliqué Eric Vernier au Figaro.fr. Ce chercheur expert en lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale explique qu’en étant prudent sur les dates et en s’appuyant sur cinq associés avec 20 % du capital, une structure pourra donc continuer à rester opaque. Pour le conseiller Castellini, pas de doute pourtant : « Le calendrier est serré. Les engagements seront tenus et les professionnels seront pleinement à nos côtés pour que nous soyons en mesure de respecter notre parole. »