jeudi 25 avril 2024
AccueilActualitésInternationalRéchauffement climatique Le GIEC alerte encore

Réchauffement climatique
Le GIEC alerte encore

Publié le

Une nouvelle fois, les experts du GIEC s’alarment face au réchauffement climatique qui se généralise désormais. Ils estiment qu’il est obligatoire de s’adapter face à ce changement, et à des dégâts qui seront irréversibles.

C’est loin d’être la première fois. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) de l’Organisation des Nations Unies (ONU) expliquait en juillet 2021, dans ce qui était alors un projet de rapport, que les impacts liés au dérèglement climatique seront ressentis avant 2050. Sans surprise, les craintes sont confirmées dans le deuxième volet du sixième rapport d’évaluation du GIEC. Consacré aux impacts, aux vulnérabilités et à l’adaptation à la crise climatique, ce document a été réalisé par 270 scientifiques du monde entier, à partir de l’analyse de 34 000 études. Et il vient augmenter encore un peu plus le niveau d’alerte par rapport à la précédente étude qui remonte à 2014. Un troisième volet sera publié en avril 2022. Il sera tourné vers les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, un document de synthèse devrait voir le jour en septembre 2022.

« Ce rapport du GIEC est un atlas de la souffrance humaine et une accusation accablante de l’échec du leadership climatique. Les plus grands pollueurs du monde sont coupables de l’incendie criminel de notre seule maison »

Antonio Guterres. Secrétaire général de l’ONU

Épisodes

C’est plus qu’une certitude : le changement climatique provoqué par les gaz à effet de serre, liés essentiellement à la consommation de pétrole, de gaz ou de charbon, a d’ores et déjà débouché sur des dégâts irréversibles. Par rapport à 2014, on constate désormais que c’est toute la planète qui est soumise au réchauffement, et à ce que l’on appelle les « événements extrêmes ». Que ce soit les incendies, les inondations, comme on a pu voir avec la tempête Alex, dans les vallées de La Vésubie, de la Tinée et de la Roya, le 2 octobre 2020, sans oublier la sécheresse. D’ailleurs, la préfecture des Alpes-Maritimes a publié le 8 février 2022 un communiqué de presse, très inhabituel pour la saison, indiquant que les conditions climatiques observées depuis le début de l’année 2022, « caractérisées par l’absence de précipitations, par des épisodes de vent et un manteau neigeux très limité, conduisent à un état de sécheresse de la végétation propice à l’émergence et à la propagation d’incendies de forêt ». De plus, ces épisodes auparavant exceptionnels tendent à devenir plus fréquents, et d’une intensité plus forte.

Le nouveau du rapport du GIEC a été publié lundi 28 février 2022. Intitulé Changement climatique 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité, il présente la situation actuelle, tout en proposant des pistes pour lutter contre le réchauffement climatique.

« Il est urgent d’inventer pour les pôles une nouvelle gestion, planétaire, urgent d’adopter une approche qui, pour la première fois, privilégie la préservation des écosystèmes, plutôt que l’appétit des hommes »

Robert Calcagno. Directeur général de l’institut océanographique

« Mesures d’adaptation fragmentées »

Ces « événements extrêmes » ont des conséquences directes et très concrètes. La nourriture et l’eau se raréfient pour des millions d’habitants de régions situées, par exemple, en Afrique, en Arctique, en Amérique centrale, en Amérique du Sud ou en Asie. De plus, la mortalité pourrait augmenter, avec la possibilité de voir se répandre de nouvelles maladies. Si tout le monde est exposé à ces risques, cette étude estime qu’entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes sont particulièrement vulnérables au réchauffement climatique. Et comme l’homme continue de détruire les écosystèmes protecteurs, comme les forêts ou les coraux par exemple, ce phénomène devrait s’accentuer encore au fil du temps. L’eau pourrait manquer à 4 milliards de personnes si le réchauffement atteint + 4 °C, et entre 800 millions et 3 milliards de personnes seront concernées si cette hausse est contenue à + 2 °C. La malnutrition et les retards de croissance pourraient toucher 1,4 million d’enfants d’ici 2050. Cette étude évoque jusqu’à 183 millions de personnes supplémentaires qui pourraient être victimes de manque de nourriture dans les pays les plus pauvres. Du côté des espèces déjà menacées, leur risque d’extinction sera dix fois plus grand avec un réchauffement de + 3 °C, plutôt qu’à 1,5 °C. Quant aux écosystèmes, qu’ils soient coralliens, polaires, côtiers ou liés à la montagne, certains pourraient tout simplement être rayés de la carte. Et cela, de façon définitive. Concernant les zones polaires, le dernier livre publié par le directeur général de l’institut océanographique Robert Calcagno (1) appelle d’ailleurs à agir vite : « Il est urgent d’inventer pour les pôles une nouvelle gestion, planétaire, urgent d’adopter une approche qui, pour la première fois, privilégie la préservation des écosystèmes, plutôt que l’appétit des hommes. » En attendant, des problèmes économiques se poseront. Car la sécheresse fera baisser la production agricole, les prix augmenteront en même temps que les revenus des agriculteurs chuteront, provoquant une spirale négative qui semble sans fin. « La plupart des mesures d’adaptation sont fragmentées, à petite échelle, progressives, adaptées aux impacts actuels et aux risques à court terme, et focalisées davantage sur la planification que sur la mise en œuvre », souligne ce rapport.

© Photo DR

« Les aides des pays du Nord vers les pays du Sud ont enregistré un progrès relatif. Mais le compte n’y est pas encore. On n’est pas certain d’arriver à 100 milliards par an, pour cette promesse qui remonte à l’accord de Copenhague, en 2009, lors de la COP15. Aujourd’hui, on est à 80 milliards par an »

Christian de Perthuis. professeur à l’université Paris-Dauphine et fondateur de la chaire Économie du climat

Financement

C’est aussi le manque de moyens, et donc d’argent, qui est pointé par le GIEC. On se souvient qu’en novembre 2021, à Glasgow, pendant la COP26, les pays développés avaient fait un pas en avant en termes de financement, tout en restant loin des engagements pris. « Les aides des pays du Nord vers les pays du Sud ont enregistré un progrès relatif. Mais le compte n’y est pas encore. On n’est pas certain d’arriver à 100 milliards par an, pour cette promesse qui remonte à l’accord de Copenhague, en 2009, lors de la COP15. Aujourd’hui, on est à 80 milliards par an. Mais le principal point de discorde sur le financement porte sur l’article qui concerne les pertes et les dommages. Ce sujet va rejaillir dans le futur. Les petits États insulaires et les pays les plus vulnérables considèrent que les pays riches ont une dette à leur égard », avait souligné le professeur à l’université Paris-Dauphine et fondateur de la chaire Économie du climat, Christian de Perthuis, dans Monaco Hebdo. Du coup, le GIEC estime qu’il y a urgence à stopper les constructions en bord de mer, et qu’il faut accélérer la végétalisation des villes, sans oublier les forêts et les écosystèmes naturels qu’il convient de protéger et de développer. « Ce rapport du GIEC est un atlas de la souffrance humaine et une accusation accablante de l’échec du leadership climatique, a estimé Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Les plus grands pollueurs du monde sont coupables de l’incendie criminel de notre seule maison. »

1) Au cœur des mondes polaires, entre réchauffement et convoitises, de Robert Calcagno (Glénat), 144 pages, 19,95 euros.