jeudi 25 avril 2024
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Offshore Leaks :
Monaco pas concerné

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Le 4 avril a débuté une opération médiatique mondiale baptisée Offshore Leaks, destinée à « révéler » la face cachée de l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux à travers le monde. L’affaire n’implique pas pour l’heure la Principauté mais réhabilite une image qu’elle s’efforce d’effacer.

Les 2,5 millions de documents confidentiels analysés durant plusieurs mois par le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et trente-six médias triés sur le volet, ont donné lieu à un flot de révélations baptisé Offshore Leaks, depuis le 4 avril. Objectif de l’opération : divulguer les coulisses de l’évasion fiscale à l’échelle mondiale. « Plus de 120 000 sociétés offshore conçues pour dissimuler l’identité de leurs propriétaires, et dont l’existence aurait dû rester secrète, ont pu être mis au jour », a indiqué Anne Michel, journaliste du quotidien Le Monde qui a travaillé sur l’Offshore Leaks, dans un chat avec les lecteurs, le 5 avril. Il n’en fallait pas davantage pour que ressorte ici et là la carte des paradis fiscaux recensés par diverses organisations. Le Monde en a ainsi profité pour inclure, la semaine dernière, Monaco dans son infographie des « 96 pays suspectés de pratique fiscale douteuse », tout comme quelques médias, allemands essentiellement. Sauf que le journal se base principalement sur un document du Government Accountability Office (GAO), l’institution du Congrès américain chargé du contrôle des comptes publics du budget fédéral, datant de 2008. Une période à laquelle Monaco figurait dans la liste noire des paradis fiscaux dressée par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) mais révolue depuis septembre 2009 et la sortie de Monaco des listes de l’institution.

« Monaco n’est pas un centre financier “offshore”»
Cette ex-image de paradis fiscal, que la Principauté continue de gommer, ressurgit indirectement à travers l’Offshore Leaks. Indirectement car au vu des premiers éléments révélés, aucune trace de Monaco. Et pour cause, la législation de la Principauté demeure aujourd’hui assez éloignée de celle en vigueur dans les pays visés par l’affaire. « Monaco n’est pas un centre financier « offshore » et ne fait pas partie des juridictions dites « à palmiers », dont la législation autorise les sociétés « offshore » et protège d’éventuels prête-noms. La législation monégasque prévoit, au contraire, un contrôle continu de l’activité réelle des sociétés installées en Principauté, dès leur création, soumise à autorisation ministérielle. Les lois 1 144 et 408 donnent, en effet, tous moyens au gouvernement pour « supprimer » les sociétés ne disposant pas à Monaco d’un siège réel et de moyens suffisants pour y exercer une activité réelle », souligne Etienne Franzi, le président de l’Association monégasque des activités financières (AMAF).

Le Luxembourg en ligne de mire
Aussi faut-il rappeler que la Principauté s’est mise en conformité avec les standards internationaux tant en matière de transparence fiscale (Global Tax Forum de l’OCDE, GAFI) que de lutte contre le blanchiment et la corruption (Moneyval, Greco). « Monaco mène un travail constant afin que sa législation et sa pratique soient en ligne avec les exigences de ces organismes internationaux », répondait le gouvernement le 3 novembre 2011, à un collectif d’altermondialistes qui pointait du doigt « l’opacité » de la fiscalité monégasque. Il s’appuyait en outre sur le classement de Monaco en 64ème position de l’indice d’opacité financière établi par un organisme indépendant, le Réseau international pour la justice fiscale (TJN). Loin de grandes puissances économiques comme les Etats-Unis, ou l’Allemagne. Selon le TJN, la Principauté représentait à l’époque « moins d’1 % du marché global pour les services financiers offshores » et son score en matière de secret bancaire (75/100) l’éloignait des mauvais élèves en la matière. « Monaco n’est pas le premier sur la liste des plus mauvais élèves. Bien au contraire. Il y a des pays, y compris au sein de l’Union européenne, qui feraient mieux de se remettre en question. Dont un petit pays en particulier coincé entre la Belgique, l’Allemagne et la France », tacle à ce propos Christophe-André Frassa, sénateur des Français de l’étranger et enfant du pays. La journaliste du Monde, Anne Michel, mentionnait « la Suisse, le Luxembourg et surtout Jersey » parmi « les pays européens qui ressortent dans les documents Offshore Leaks ». Hors Europe, les îles Caïmans, Singapour ou encore les îles Vierges britanniques sont ciblés. L’Offshore Leaks pourrait bien accélérer la refonte de la liste des paradis fiscaux de l’OCDE.

Echange automatique
La pratique du secret bancaire est visée par l’Offshore Leaks, qui relance le sujet de l’échange automatique d’informations fiscales. Une directive de l’Union Européenne entrée en vigueur début 2013 est censée renforcer cette coopération. Elle demande entre autres aux pays membres de ne plus refuser de transmettre des informations au motif qu’elles sont détenues par une banque ou un établissement financier. Au 1er janvier 2015, l’instance souhaite imposer un échange automatique d’informations sur cinq catégories de revenu et de capital, sous réserve d’un accord de tous les Etats membres. L’Autriche et le Luxembourg, les deux seules nations de l’UE qui refusaient jusqu’alors de transmettre automatiquement des informations sur les comptes de résidents de l’UE sur leur sol à la suite de demandes judiciaires, ont affiché leur volonté de négocier la levée de leur secret bancaire. Cependant, Le Monde a relayé, le 5 avril, une position contrastée du ministère des finances autrichien. « Tant que Saint-Marin, Monaco et les îles Canaries ne seront pas soumis aux règles que veut établir la Commission européenne, nous refusons d’aller plus avant car ces enclaves au sein de l’Union profiteraient d’un net avantage », citait le quotidien.
Monaco fait partie des pays tiers de l’UE avec la Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin et Andorre. La Principauté a signé des accords d’échanges d’informations fiscales sur demande judiciaire répondant aux standards de l’OCDE avec 25 pays. Les progrès faits en matière de coopération fiscale par Monaco avaient été salués par l’institution dans un rapport d’évaluation publié en novembre 2012. Ce dernier demandait à Monaco de signer des accords avec des « pays plus pertinents ». Tels que l’Italie ou le Royaume-Uni avec lesquels les autorités monégasques avancent à pas prudents sur le sujet.

BNP Paribas dans l’œil du cyclone

L’enquête de l’ICIJ et des médias partenaires épingle les pratiques de quelques banques dont l’une, BNP Paribas, dispose d’une agence en principauté. BNP Paribas est soupçonnée d’avoir favorisé l’évasion fiscale en aidant certains de ses clients à la création de sociétés offshore dans des pays à la fiscalité douce ou quasi-inexistante. La banque a déjà été épinglé pour d’autres affaires. En mai 2012, le quotidien Libération, reprenant un article antérieur de l’hebdo Marianne, s’interrogeait sur un produit vendu en Suisse et à Monaco par BNP Paribas, une Sicav baptisée Luxumbrella. Libération affirmait qu’il servait « à échapper au fisc, en profitant des itrous de la législation européenne sur les paradis fiscaux ». Plus récemment, l’établissement bancaire a de nouveau été mis en cause par Marianne dans un papier titré « Comment la BNP a grugé le fisc monégasque ! », affirmant que « la filiale monégasque a artificiellement gonflé son activité » dans le but de ne pas verser d’impôt sur les bénéfices entre 2002 et 2009.