mardi 23 avril 2024
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Moneyval — « Bénéficiaires effectifs » : le gouvernement lance un appel

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Suite à un rapport de Moneyval, l’organe de lutte anti-blanchiment du Conseil de l’Europe, publié en février 2023, Monaco a été placé en procédure de « suivi renforcé ». Désormais, la principauté a jusqu’en mars 2024 pour satisfaire Moneyval, en répondant à une série d’observations. L’une d’elles concerne la déclaration des « bénéficiaires effectifs » des sociétés commerciales.

Depuis le 23 janvier 2023, l’urgence est là. Ce jour-là, le dernier rapport de Moneyval, l’organe de lutte anti-blanchiment du Conseil de l’Europe, a été publié, et il a conclu au placement de Monaco en procédure de « suivi renforcé » [à ce sujet, lire notre article Lutte anti-blanchiment du Conseil de l’Europe : « Il y a des manques »]. Après avoir annoncé un « nouvel organigramme » au Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (Siccfin), qui était jusqu’alors dirigé par Michel Hunault, le prince Albert II a assuré le 24 mai 2023, dans une interview accordée à Monaco-Matin, que « tout le monde est au travail » pour répondre aux attentes de Moneyval : « C’est une course contre-la-montre et il faut tout mettre en œuvre pour suivre les recommandations de Moneyval. J’ai insisté là-dessus auprès du gouvernement. Il faut respecter toutes les étapes de ce processus dans lequel nous sommes engagés, pour qu’en mars 2024 nous sortions la tête haute de ce suivi renforcé. » Pour le prince, il n’y a pas d’autre choix possible. Il faudra impérativement réussir cette « course », car sinon, les conséquences pourraient être graves, comme il l’a souligné dans cette même interview. Rappelant que des échanges ont « régulièrement lieu » avec le comité Moneyval, il a ajouté que, dans ce cadre, il ne cessait de « réaffirmer l’engagement de la principauté à se conforter aux meilleurs standards internationaux en la matière, parce qu’il est impensable d’apparaître sur une liste quelconque. Ce serait catastrophique ». Et cela pour plusieurs raisons, que le prince a résumé ainsi : « Ce serait synonyme de perte de confiance au niveau local, mais aussi pour les investisseurs étrangers qui voudraient s’établir en principauté. Je ne peux pas envisager autre chose qu’une bonne appréciation du comité Moneyval. »

« Il est impensable d’apparaître sur une liste quelconque. Ce serait catastrophique. Ce serait synonyme de perte de confiance au niveau local, mais aussi pour les investisseurs étrangers qui voudraient s’établir en principauté. Je ne peux pas envisager autre chose qu’une bonne appréciation du comité Moneyval »

Le prince Albert II

« Défi »

Le cadre étant très clairement fixé par le prince, le gouvernement s’est lancé dans la bataille, comme l’avait expliqué à Monaco Hebdo le conseiller-ministre pour l’économie et les finances, Jean Castellini [à ce sujet, lire son interview Lutte anti-blanchiment du Conseil de l’Europe – Jean Castellini : « Le défi est réel »], en février 2023.  « Comme tous les pays, la principauté est confrontée au fait que les tendances et typologies de blanchiment de capitaux évoluent rapidement. Les standards internationaux sont en perpétuelle évolution. La cadence est telle, qu’il convient de mener régulièrement des réformes législatives et réglementaires. Un certain nombre d’entre elles ont déjà fait l’objet d’un vote par l’Assemblée monégasque, le Conseil national, en novembre 2022, notamment dans des domaines aussi importants que l’entraide judiciaire internationale, la saisie et la confiscation des instruments et produits du crime », avait alors expliqué Jean Castellini. Avant d’ajouter : « Concernant Monaco, ce n’est pas un dysfonctionnement global du dispositif concernant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme national, mais l’addition de points d’observation sur différents aspects pris dans leur globalité, qui est en cause. »

Le gouvernement monégasque dit avoir lancé un « plan d’action national » qui comporte une campagne d’information générale, et que celui-ci sera suivi par des « relances ciblées auprès des sociétés concernées ». Si cela ne suffit pas, le tribunal de première instance sera saisi. Il pourra alors « faire injonction aux personnes morales en situation d’irrégularité »

Date butoir

Parmi ces « points d’observation », l’obligation de déclarer clairement qui sont les « bénéficiaires effectifs », c’est-à-dire la personne physique qui exerce le contrôle effectif d’une société commerciale [à ce sujet, lire notre encadré, par ailleurs — NDLR]. « Concernant la transparence des personnes morales, le rapport souligne plusieurs défaillances. L’une porte sur la transparence du « bénéficiaire effectif ». A Monaco, il existe un registre des bénéficiaires effectifs qui n’est pas suffisamment complet. Il est actuellement en train d’être complété, mais il l’était à seulement 30 % au moment où ce rapport a été bouclé [ce rapport a été approuvé à l’occasion de la séance plénière de Moneyval, le 9 décembre 2022 — NDLR] », indiquait à Monaco Hebdo Irina Talianu, cheffe d’unité « évaluations et typologies » Moneyval et coordinatrice de l’équipe d’évaluation de Monaco. En réponse à cela, le 25 mai 2023, le gouvernement monégasque a publié un communiqué dans lequel il dit avoir lancé un « plan d’action national » qui comporte une campagne d’information générale, et que celui-ci sera suivi par des « relances ciblées auprès des sociétés concernées ». Si cela ne suffit pas, le tribunal de première instance sera saisi. Il pourra alors « faire injonction aux personnes morales en situation d’irrégularité », précise le gouvernement dirigé par le ministre d’Etat, Pierre Dartout. Les sociétés commerciales immatriculées au répertoire du commerce et de l’industrie qui ne sont pas à jour de leurs déclarations de bénéficiaires effectifs sont donc invitées par le gouvernement à faire le nécessaire, en contactant la direction du développement économique (1). Ces démarches sont gratuites, que ce soit pour inscrire, pour modifier, ou pour radier des informations inscrites dans le registre des bénéficiaires effectifs (2). Reste désormais à savoir si cet appel du gouvernement monégasque sera vraiment suivi, et surtout, quelle sera l’ampleur du mouvement. La période butoir étant fixée à mars 2024, il reste désormais 10 mois pour satisfaire les attentes de Moneyval.

Bénéficiaire effectif : comment l’identifier ?

Le bénéficiaire effectif est la ou les personne(s) physique(s) qui remplis(sent) l’une des conditions suivantes :
• Détenir en dernier ressort, directement ou indirectement, au moins 25 % du capital ou des droits de vote de la société.
• Exercer effectivement un pouvoir de contrôle sur la société par tout autre moyen. Elle peut, par exemple, nommer ou révoquer la majorité des membres des organes de direction.
Si aucun de ces critères n’est rempli, le bénéficiaire effectif est la personne ou les personnes qui représentent légalement la société : gérant, administrateur délégué, etc. Lorsque le représentant légal est une société, le bénéficiaire effectif est le ou les personne(s) physique(s) qui représente(nt) légalement cette société.

1) Direction du développement économique, 9 rue du Gabian, 98 000 Monaco. Horaires : ouverture de 9 h 30 à 17 heures, du lundi au vendredi. Téléphone : (+377) 98 98 98 00. Téléphone 2 : (+377) 98 98 98 02 – Répertoire du Commerce et de l’Industrie. Fax : (+377) 92 05 75 20. Les formulaires d’inscription sont disponibles ici.

2) Plus d’informations sont à retrouver en consultant la loi n° 1 362 du 3 août 2009 modifiée, et notamment la section V, intitulée « Du bénéficiaire effectif ». D’autres informations sont à retrouver dans l’ordonnance souveraine n° 2 318 modifiée, notamment aux chapitres « III – Identification des bénéficiaires effectifs », et « XVIII – Registre des bénéficiaires effectifs », suivant ce lien Internet.