mercredi 24 avril 2024
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Littoral : le plastique blues

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Chaque année, des monceaux de déchets s’échouent les plages azuréennes. Monaco n’est pas exempt du phénomène. Si la municipalité travaille au nettoyage des plages et des ports de la principauté rendant cette pollution peu visible en Principauté, l’accord Ramoge, lui, œuvre pour une sensibilisation de la population afin de faire changer les comportements.

Mégots, pailles, pansements, emballages alimentaires, cotons-tiges. Les plages monégasques ne sont pas épargnées par les déchets. La période estivale constitue un moment à part, compte tenu du regain de nettoyage opéré par les services municipaux. Cependant, la pollution maritime et du littoral reste une problématique importante pour le gouvernement. Ainsi, depuis 1976, l’accord Ramoge (Saint-Raphaël, Monaco, Gênes) s’intéresse à la protection des eaux du littoral méditerranéen. L’un de ses domaines de compétence est le nettoyage du littoral. « Aujourd’hui, le plus important est de ne pas rajouter de déchet », Anne Vissio, secrétaire exécutif de l’accord Ramoge à Monaco n’est pas particulièrement optimiste quant à l’état des fonds marins en Méditerranée.

2 555 déchets

« Evidemment rien ne nous empêche de faire du ramassage », nuance-t-elle. Mais le plus important est de sensibiliser et de faire entrer dans les consciences que le moindre comportement n’a rien d’anodin pour la mer. Et lorsqu’on regarde les relevés, il est évident que de simples gestes à adopter pourraient changer la donne. Lors de la dernière campagne de recensement des déchets échoués sur les plages monégasques, au Larvotto, en avril 2015, avaient été comptabilisés 2 555 objets soit 600 par 100 mètres. Un chiffre plutôt en dessous des relevés effectués à la même période à Beaulieu-sur-mer où l’on établissait à 1 780,81 par 100 mètres le nombre d’objets ramassés.

80 % de plastiques

Parmi les objets relevés, les matières plastiques tiennent le haut du pavé et constituent 80 % du ramassage, le papier et le carton 14,2 %, le bois traité 0,2 %, le caoutchouc 0,7 %, le métal 3 % et les 2 % restant sont constitués de verre, textile, chimique. Pour beaucoup d’entre eux, les mégots de cigarettes en premier lieu, mais aussi les emballages alimentaires pourraient ne pas se retrouver sur les plages si leurs usagers avaient le réflexe de les jeter à la poubelle. Autre constat ressortant de ce relevé, la présence importante au regard du lieu de coton-tige. 37 ont ainsi été énumérés. « Il semblerait qu’ils proviennent des toilettes et, à l’issue du processus de filtration des eaux usées, les coton-tige parviendraient à passer au travers des mailles, terminant leur course en mer », commente la secrétaire exécutive. Ici aussi, il suffirait que les utilisateurs de coton-tige préfèrent la poubelle de leur salle de bain plutôt que leurs WC pour s’en débarrasser…

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© Photo Accord Ramoge
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© Photo Accord Ramoge

Fonds marins

Cela peut paraître dérisoire, pourtant ce qui atterrit sur le rivage ne constitue que la face émergée de l’iceberg. « On ne sait pas vraiment ce que deviennent les déchets (1), confie Anne Vissio. On sait que certains déchets se concentrent dans les zones sous-marines. » Il est néanmoins certain que le fond des mers et océans est recouvert de plastique. En 1992, le chercheur François Galgani de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploration de la mer) réalise une mission d’observation des fonds marins à la recherche des plastiques à bord du sous-marin le Nautile. Lors d’une plongée, il constate qu’à seulement 20 km des côtes méditerranéennes françaises et par 1 000 mètres de fond, le sable est couvert de bouteilles en plastique qu’il estime dater des années 1960. Une partie des plastiques s’accumulerait ainsi au fond des canyons sous-marins.

Bassin versant

Par contre, on sait d’où ils proviennent. Contrairement à ce que l’on pense, il ne s’agit pas de largage en mer. « 80 % des déchets proviennent de terre, apprend Anne Vissio. Il s’agit d’incivilités, du mauvais comportement des gens qui ne mettent pas leurs déchets à la poubelle. » Il peut aussi bien s’agir de plastiques, mais aussi de déchets verts, un élagage dont on se débarrasse dans une rivière par exemple. Car, ils peuvent venir de loin, portés par les rivières jusqu’à la mer. « Dans le cadre de Ramoge, nous voulons sensibiliser les communes situées en amont sur le bassin versant sur le trajet qu’empruntent les déchets pour se retrouver systématiquement à la mer », insiste la secrétaire exécutive.

En Italie, est actuellement expérimenté le projet Life, une application qui permet aux personnes en balade de signaliser et localiser sur l’application des déchets abandonnés. Les mairies peuvent ainsi opérer leur ramassage et leur recyclage le cas échéant. La fondation Surfrider et ses bureaux basés à Marseille s’intéressent tout particulièrement à la problématique de ces déchets venus des rivières (lire par ailleurs).

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© Photo Accord Ramoge

Trier

Agir en amont est donc absolument essentiel selon Anne Vissio. Des opérations “Je navigue, je trie” sont ainsi organisées à l’intention des plaisanciers. Mardi 11 juillet, la campagne 2017 a été lancée sur le port Hercule. Afin d’inciter les plaisanciers à trier leurs déchets, l’accord Ramoge distribue gratuitement par le biais de la capitainerie des ports Hercule et Fontvieille et du Yacht club deux sacs de collecte. En matière biodégradable et non en plastique, ils permettent de trier d’un côté les déchets recyclables et de l’autre ceux qui ne peuvent l’être. Ce sont de petits gestes qui peuvent limiter notre impact sur l’environnement.

Baleines

Les cas de plus en plus fréquents de baleines échouées l’estomac bourré de plastique ne cessent d’augmenter et sont de constants rappels de la responsabilité des populations envers les océans. En février dernier, une baleine incapable de se nourrir est venue s’échouer sur une place de l’île de Sotra, dans le sud-ouest de la Norvège. L’animal avait 30 sacs plastiques dans le ventre et a dû être abattu. Afin d’alerter le public, l’association Greenpeace a installé sur la place de Cavite dans les Philippines le 11 mai dernier une baleine géante en plastique remplie de plastiques. Une manière choc de faire comprendre les dangers que risquent les animaux marins.

275 millions

Selon l’association, d’ici 2050, les plastiques pourraient faire disparaître les poissons. Il faut dire que la quantité de plastique contenue dans les eaux de la planète s’élèverait à 275 millions de tonnes. Chaque année, ce sont 8 millions de tonnes de plastique qui viennent gonfler ce chiffre, selon une étude menée par l’université de Géorgie aux Etats-Unis et 269 000 tonnes de plastiques flotteraient à la surface des océans. Mais ils ne sont que la surface visible de l’iceberg. Car ces plastiques flottants, ce qu’on appelle les continents de plastique ne grossissent pas. Si les études scientifiques n’en sont qu’à leurs débuts, outre les amas sous-marins de plastiques, les spécialistes démontrent que ces objets finissent par se déliter et se transformer en micro-plastiques. Ces derniers constituent un réel danger : les poissons les ingurgitent et si pour la plupart d’entre eux, les micro-plastiques se concentrent dans l’estomac que nous ne mangeons pas, une partie de ces déchets se retrouvent néanmoins dans notre assiette. Au final, nous finissons par manger les plastiques dont nous nous sommes débarrassés. Peut-être un juste retour des choses.

(1) Océans, le mystère plastique. Ce documentaire réalisé en 2016 par Vincent Perazio pour Arte France illustre parfaitement la problématique autour du devenir des objets plastiques. A voir sur le site Internet de la chaine http://www.arte.tv/fr/videos/062231-000-A/oceans-le-mystere-plastique.

 

Riverine input, à la source du problème

La Surfrider fondation Europe cherche à déterminer d’où viennent les déchets marins. Cette fondation née à Biarritz en 1990 œuvre pour la protection du milieu marin. Partant du constat que 80 % des déchets que l’on retrouve dans les océans et dans les mers proviennent des bassins versants, l’association loi 1901 a lancé en 2014 son projet Riverine input. Suivant un protocole scientifique, il a d’abord été testé sur le bassin versant de l’Adour, fleuve qui prend sa source dans les Pyrénées et se jette dans l’Atlantique à Tarnos, à côté de Bayonne. Depuis ses bureaux situés à Marseille, l’association qui compte 1 700 bénévoles dans 14 pays d’Europe a décidé de s’intéresser depuis janvier 2017 au bassin versant du fleuve Var. Des relevés sont effectués en plusieurs points. Trois objectifs sont visés. Tout d’abord améliorer la connaissance des déchets d’origine continentale et que l’on retrouve en mer. Quantification, typologie, zone d’accumulation sont autant de critères annotés par les bénévoles. L’association aspire également à travailler en concertation avec les associations et administrations locales afin de pouvoir mettre en place des mesures correctrices. Enfin, la fondation participe ainsi à l’élaboration d’une base de données européenne sur les déchets d’origine continentale.

Du trottoir à la mer

Il est sans doute difficile de l’imaginer. Mais les objets jetés sur les trottoirs de Monaco peuvent finir leur course à la mer. Même si des systèmes de récupération des déchets existent bien évidemment — grilles de filtration au niveau des évacuations —, il n’en reste pas moins que les eaux circulant dans les circuits d’évacuation des eaux de pluie se jettent à la mer. Les mégots de cigarettes entre autres font partie des déchets qui s’acheminent le plus sûrement de la rue à la mer. Selon Anne Vissio, secrétaire éxécutif de l’Accord Ramoge, les écoles primaires d’Antibes travaillent autour de cette prise de conscience. « Les élèves jettent un colorant dans une bouche d’égout de la commune située à quelques mètres de la mer où ils se précipitent pour se rendre compte de leurs propres yeux que le colorant se retrouve bel et bien en mer ». Un travail pédagogique essentiel afin de faire comprendre que jeter un objet à la rue peut avoir des conséquences sur les écosystèmes marins.

Vérifier la qualité de ses eaux de baignade

Le ministère de la Santé français met à disposition sur son site Internet une carte permettant de se renseigner sur la qualité des eaux de baignade de 2 047 plages et lacs. Des analyses bactériologiques régulières sont en effet réalisées et la carte est mise à jour au fur et à mesure. On peut ainsi se rendre compte que dans les Alpes-Maritimes, les mauvais élèves se situent notamment à Cagnes-sur-Mer, sur la plage le Grand Large dont la qualité est classée rouge. Idem pour les plages Lansberg à Saint-Laurent-du-Var et Marinières à Villefranche-sur-mer. Pour le Gorbio à Menton ou la Lanterne à Nice, c’est un classement jaune, dit « suffisant », que le ministère établit. Rendez-vous sur http://baignades.sante.gouv.fr/baignades/homeMap.do#a pour plus de détails.

 

Les Alpes-Maritimes : l’été sous le radar

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© Photo Conseil Départemental Alpes-Maritimes

208 m3 de déchets ramassés en 2016. 242 en 2015 et 260 en 2014. Si les chiffres semblent diminuer d’année en année, ce ne serait qu’une coïncidence selon Christophe Serre, technicien du milieu marin au sein du service de l’ingénierie environnementale au Département des Alpes-Maritimes. « Il y a une variabilité selon les saisons et les conditions météorologiques », justifie-t-il. On ne peut donc malheureusement pas dire que la quantité de déchets se réduit sur les côtes du département français. C’est pourquoi, les services sont à pied d’œuvre tout l’été afin que les plagistes bénéficient de l’environnement le plus agréable possible. Deux dispositifs sont ainsi mis en place. « Le premier est de la compétence des communes et des syndicats des communes, précise Christophe Serre. Des bateaux de nettoyage assurent le ramassage de micro-déchets sur la bande des 300 mètres des côtes avant que ces déchets n’arrivent sur la plage. » Ces navires munis de paniers collecteurs sillonnent les bords de mer afin de récupérer tout objet flottant. Le deuxième dispositif, lui, relève du Département. « Il s’agit d’une surveillance aérienne qui s’effectue tous les matins entre le 1er juillet et le 3 septembre cette année, précise le technique du milieu marin. Un petit avion avec un pilote et un observateur survole tout le littoral. Il décolle de Cannes et longe la côte jusqu’à l’Italie. » L’objectif est de repérer d’éventuels macrodéchets à signaler aux bateaux de nettoyage. En outre, ils peuvent repérer des pollutions plus importantes comme des pollutions aux hydrocarbures par exemple. « Notre action a un but de prévention pour intervenir de façon rapide sur d’éventuels macrodéchets, insiste Christophe Serre. Nous souhaitons préserver l’image de marque du littoral. »