vendredi 29 mars 2024
AccueilActualitésInternationalOlivier Borraz : « L’Etat protecteur, c’est un peu le nouveau visage de...

Olivier Borraz : « L’Etat protecteur,
c’est un peu le nouveau visage
de l’État-providence »

Publié le

Olivier Borraz est sociologue, directeur de recherche au CNRS. Alors que la pandémie de Covid-19 se poursuit, Monaco Hebdo l’a questionné sur la notion de risque au sens large, mais aussi du rapport à l’État, de l’indiscipline supposée des populations, et de la gestion politique de ce type de crise.

Comment définir la notion de risque, d’un point de vue sociologique ?

Dans mes travaux, quand je m’intéresse à la notion de risque, je m’intéresse à l’ensemble des outils, des instruments qui vont être utilisés pour transformer un objet, un évènement, un phénomène, qui, a priori, a des caractéristiques incertaines au départ. Pour moi, le risque, c’est tout ce qu’on va appliquer à un phénomène, notamment ces outils de calculs, pour rendre ces phénomènes mesurables, donc gouvernables. C’est une notion, une approche qui peut s’appliquer à n’importe quel phénomène. Tout peut être mis en risque, tout peut devenir un risque, à partir du moment où on est capable d’appliquer à ces phénomènes, à ces objets, des outils de quantification et de représentation de sa survenue.

Comment ce risque-là est calculé par nos gouvernants, quand il s’agit de risque sanitaire, car on a parfois pu voir une certaine impréparation ?

Les données s’appliquent à des phénomènes qui sont relativement récurrents, fréquents. La difficulté, ça concerne les évènements plus rares, comme les pandémies, les tremblements de terre, où là, on va devoir essayer de trouver d’autres manières d’anticiper, de mesurer le risque. On va moins chercher à calculer sa survenue, que mesurer ses effets. On va chercher à établir la vulnérabilité d’un système, d’un territoire, d’une organisation à la survenue d’un aléa, à une attaque terroriste, à une pandémie ou à un tremblement de terre. Là, clairement, dans le cas actuel, il y a matière à s’interroger, car le risque était quand même connu.

Pourquoi ?

Parce qu’on n’est pas devant quelque chose qui n’est jamais arrivé, et de totalement invraisemblable. Ça fait des années, que les experts en santé publique, les épidémiologistes, insistaient sur la possibilité de survenue d’une pandémie de cette ampleur. Ce qui a conduit à rendre ce risque connu, mais acceptable, et donc à le sous-estimer, c’est la survenue précédente d’autres épidémies, comme le SARS, ou H5N1, H1N1, qui, de fait, n’ont pas eu des effets très graves. Et donc, on en a tiré la fausse conclusion que, finalement, les épidémies, même si elles pouvaient survenir régulièrement, n’avaient pas d’effets gravissimes comme ceux qu’on avait anticipés. On a accepté ce risque. On a pensé être prêt à le gérer, et on ne l’était pas du tout.

Vous dites dans vos travaux, que ce n’est pas tant le virus qui cause la crise, mais la défaillance des structures en place qui ont accueilli ce virus ?

Oui. Ce que l’on voit bien dans la crise actuelle, c’est que d’un pays à l’autre elle ne prend pas exactement la même forme. Elle ne compte pas les mêmes mesures, pas les mêmes effets. A chaque fois, ce qu’on appelle crise, finalement, c’est le résultat de cette rencontre entre un virus qui, grosso modo, est le même partout, et puis des systèmes politiques, économiques, sociaux différents, qui vont réagir différemment, l’appréhender différemment, qui vont prendre des mesures plus ou moins strictes. Qui vont être plus ou moins capables de s’adapter. Et c’est cela qui va provoquer la crise.

© Photo Jessica Vanné / Monaco Hebdo.

« Il faut accepter l’idée que des risques peuvent survenir. En France, cette fonction principale de l’État protecteur est telle, qu’elle ne laisse pas de place à la notion de risque, et donc à l’échec »

Au-delà des faiblesses du système, comment évaluez-vous l’évolution de la perception du risque : on est passé de « grippette inoffensive » à « masque obligatoire et distanciation physique » en peu de temps ?

Ce qui est intéressant dans le cas français, c’est qu’on oscille en permanence, du côté de l’État, comme du côté des populations, entre une volonté de responsabilisation des populations en disant : « C’est à vous de vous protéger, de porter un masque si vous le souhaitez, de faire vos choix, d’envoyer vos enfants ou pas à l’école ». Et puis, à d’autres moments, des injonctions beaucoup plus strictes, et beaucoup plus déresponsabilisantes au sens où l’État nous impose des mesures extrêmement contraignantes, et gronde les populations pour leur manque de respect. On est dans un moment intéressant, où on sent bien que le discours infantilisant ne marche plus, ou en tout cas ne peut pas suffire dans la durée. Et qu’en même temps, ce n’est pas facile de responsabiliser les populations quand vous les avez infantilisées, beaucoup inquiétées et envoyé des messages contradictoires.

Un exemple ?

Il y a le masque. On sent bien qu’il y a une forme de délégation de la gestion du risque de l’État vers les populations, qui se fait par à-coups, et de façon progressive. Mais on ne va pas jusqu’au bout de ce processus, en donnant les moyens aux populations de prendre leur décision avec des messages et des informations claires. De ce point de vue là, ça participe aussi de la manière dont les individus se représentent le risque.

Quelle suite donner à cela ?

Après, il va falloir conduire des études beaucoup plus précises sur les perceptions. Il y a un phénomène intéressant : qui envoie ses enfants à l’école et qui ne les envoie pas ? Est-ce qu’il y a des facteurs qui déterminent pourquoi certains parents envoient leurs enfants à l’école, et d’autres vont vouloir les garder à la maison ? Ça peut renvoyer à d’autres dimensions, et pas que le rapport à l’école, qui peut être un élément explicatif. Je dirais que le rapport au danger est indissociable d’une manière de considérer le citoyen et sa capacité à raisonner, à prendre des décisions, à s’informer, et à être responsable. On voit bien qu’en France, on n’est pas encore complètement à l’aise avec l’idée d’un citoyen responsable.

Est-ce une nouveauté pour l’État de se porter en garant protecteur, qui légitime des réponses répressives et sécuritaires, ou bien est-ce dans la fonction naturelle de l’État de protéger sa population ?

C’est la fonction naturelle et historique de l’État, qui est particulièrement prononcée en France. L’État contemporain, tel qu’on le connaît, est né au XVIIIème siècle dans la lutte contre les envahisseurs et les virus. L’État a construit ses moyens d’action, ses outils, ses institutions sur ces objectifs-là. On voit bien dans cette crise que l’État ne peut pas agir seul, alors que jusqu’ici il a toujours eu des velléités d’assurer seul notre protection. Et cet objectif a été encore renforcé dans les années 1990. Sous l’effet de l’européanisation, de la décentralisation, de la dérégulation, de la mondialisation, l’État a perdu un certain nombre de ses prérogatives, de ses missions de base. On ne contrôle plus les frontières, on ne bat plus monnaie, on ne contrôle plus les politiques économiques et sociales. Donc ce qui reste, c’est la sécurité. L’État, et en France en particulier, s’est vraiment rabattu sur cette fonction sécuritaire, parce que c’est sa mission régalienne essentielle qui demeurait. Dans d’autres pays, il y a une vision beaucoup plus partagée de la sécurité, de la protection qui à mon sens, fonctionne mieux, ou en tout cas est plus réaliste que l’approche française.

Comment avez-vous observé les nombreuses délations en France, et ailleurs : n’est-ce pas ça aussi un État où les citoyens sont plus responsabilisés ?

Je ne crois pas. Les pires moments de délations, ce sont justement les moments où les citoyens ne sont pas responsabilisés. Au contraire, la dimension sécuritaire peut inciter certains à faire de la délation. Ce que j’ai trouvé absurde au départ, c’est la séquence du 12 au 17 mars 2020, où le 12 mars, le président dit « on ferme des écoles », et le 14 mars le Premier ministre dit « on va fermer les bars et les cafés ». Ce week-end-là, effectivement, on a des images de télévision qui montrent des gens qui sont dans les parcs, sur le bord de la Seine, et, immédiatement, on considère que les Français ne sont pas suffisamment responsables, ne sont pas suffisamment respectueux et qu’il va falloir durcir les mesures. Je pense que ça aussi, ça a joué. Certains se sont dit « pourquoi certains continuent à aller s’amuser et sortent, alors que nous on respecte les règles ? ». Sauf qu’on n’a jamais estimé combien de personnes étaient concernées par ça.

On a des estimations, peut-être ?

A mon avis, on était sur des toutes petites populations. Les images de TF1 montraient les endroits où il y avait du monde, par définition, mais qui ne montraient pas la réalité de beaucoup d’autres quartiers de Paris, ou de beaucoup d’autres villes en France, où, au contraire, les gens étaient dans leur immense majorité, cloîtrés chez eux, parce qu’ils ont bien compris qu’il y avait un danger, et qu’il fallait respecter les consignes. On a, et on continue de le faire, mis en exergue des comportements inciviques. J’attends de voir des vrais chiffres : combien de personnes ça concerne, quel pourcentage de la population ça concerne ? Qu’il y ait ces comportements-là, c’est prévisible : est-ce qu’il faut en tirer les conclusions que tout le monde ne respecte pas ce qui est imposé ? On aurait pu avoir quelque chose de beaucoup plus responsabilisant, comme d’autres pays l’ont fait. Et compter aussi sur un contrôle social qui est plus dans le comportement quotidien que sous des formes de délation. J’étais en Suède récemment, et je peux vous dire que les gens tiennent les distances, mais il n’y a pas de délation.

© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo.

« Le fait que ce soit la santé, rend plus faciles les mesures d’exception. Les gens les acceptent plus facilement, mais le risque est qu’elles portent atteinte à nos libertés, à notre vie privée »

On a beaucoup entendu le point de vue culturaliste sur une supposée indiscipline des populations, mais pas vraiment le point de vue inverse ?

Les arguments culturalistes me hérissent. Les Français gaulois, etc. Effectivement, en 48 heures, on a quand même eu une immense majorité de la population qui a respecté les consignes, et qui s’est cloîtrée chez elle. Même pour le déconfinement, on s’attendait à ce que ce soit le chaos généralisé. Or, on a bien vu que ce n’était pas du tout le cas. Les gens sont assez responsables. Les gens ont peur, aussi. Alors, évidemment, ça ne colle pas avec l’image des Français râleurs et rebelles. Cette image-là est une construction. Dans un cas comme celui-ci, les gens ont parfaitement compris le danger, et ils ont compris qu’il fallait faire attention.

Pour revenir sur la gestion politique actuelle, est-ce que le risque sanitaire suit le même chemin que le risque terroriste sur la remise en cause de libertés fondamentales justifiées pour la sécurité collective ?

C’est un peu la crainte d’un certain nombre de juristes. Effectivement, il y a un problème d’irréversibilisation. On prend des mesures temporaires, qu’on pérennise. C’est un risque. D’autant qu’il n’y a pas de raison que ce type de situation ne se reproduise pas régulièrement en lien avec le changement climatique. C’était une première crise, mais il y en aura d’autres derrière. Le fait que ce soit la santé, rend plus faciles les mesures d’exception. Les gens les acceptent plus facilement, mais le risque est qu’elles portent atteinte à nos libertés, à notre vie privée. De ce point de vue-là, je compte beaucoup sur l’Assemblée nationale et le Conseil d’État pour protéger ces libertés. Pour l’instant, ils ont plutôt bien joué leur rôle. Pour que, vraiment, nous restions dans quelque chose d’exceptionnel, pour revenir très vite à une situation antérieure.

Si le risque zéro n’existe pas, pourquoi les pouvoirs publics continuent d’aller dans cette direction ?

Ça aussi, c’est propre à la France. J’ai mené des études comparatives dans d’autres pays, avec des collègues étrangers. On ne retrouve pas ailleurs cette vision très propre à la France d’un « risque zéro » et surtout, l’idée d’un État protecteur qui ne peut pas se permettre de se tromper ou d’échouer. C’est ça qui est assez caractéristique de l’État français : c’est que dans le discours des pouvoirs publics, l’échec n’est pas possible, donc le risque n’est pas possible. Et donc, chaque fois qu’un échec survient, qu’une crise survient, qu’un scandale éclate, on va expliquer qu’à la fin, on va trouver des explications, et que les leçons ont été tirées. Que plus jamais ça ne se reproduira, et que l’État a failli. A chaque fois, on va attribuer l’échec à l’État. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Un exemple ?

La canicule de 2003 a été imputée à l’État. Donc on va réformer, de manière à ce que ça ne se reproduise plus. Il faut accepter l’idée que des risques peuvent survenir. En France, cette fonction principale de l’État protecteur est telle, qu’elle ne laisse pas de place à la notion de risque, et donc à l’échec. On a des exemples comparatifs sur les accidents au travail. On a une approche très française, qui fixe des règles de conformité, et donc si on respecte les règles on réduit le risque. Ce qui, on le sait, ne marche pas. Alors que d’autres pays ont une approche beaucoup plus pragmatique, en identifiant les sources du risque pour les réduire, sans forcément s’appuyer sur une approche uniquement réglementaire. Ça réduit de beaucoup la souplesse et la capacité d’interprétation.

Est-ce qu’aujourd’hui la prégnance de cet État protecteur a supplanté la question sociale dans l’action politique ?

Oui. J’ai écrit un chapitre là-dessus avec une collègue, où justement, ce qu’on propose, c’est de dire que cet État protecteur, c’est un peu le nouveau visage de l’État-providence. C’est un État qui ne gère pas tant les risques, mais qui gère les crises. Et qu’il est là pour nous protéger en cas de désordre, en cas de survenue d’un évènement catastrophique. C’est un État qui nous protège contre différents types de maux quand ils surviennent, mais qui investit beaucoup moins dans leur prévention. Ça tient au fait que l’ensemble des réformes conduites dans les pays développés depuis un certain nombre d’années, ont largement déconstruit les éléments des États-providence, à savoir les éléments de régulation et de protection de l’État-providence. Plutôt que de remettre en cause ces réformes et ces changements, on va investir dans la gestion des crises, comme un moyen d’assurer une fonction de protection. Donc dans un nouveau rôle social qui protège les individus au moment de la survenue de l’accident. Mais on ne fait rien pour éviter que l’accident ne revienne. Le trait commun de ces crises, c’est qu’elles touchent des populations fragilisées par les réformes conduites depuis une vingtaine d’années.

Tout le monde parle d’avant/après coronavirus : au-delà du truisme, comment rendre ce constat opérant ?

Ça passe par un travail de fond pour comprendre les causes de la crise. On a écrit un article avec des collègues sur « comment tirer les leçons de la crise ». La première étape, c’est d’investir dans l’étude de la crise elle-même, et de toutes les réformes en amont qui ont conduit à ce que la crise se déroule comme elle se déroule. Après, ce sera une question de rapport de force politique en France, mais aussi avec les pays voisins sur notre capacité à infléchir des tendances en cours avant la crise. Mon sentiment personnel, c’est qu’on est au tout début d’une série de crises.

Pourquoi ?

Cette première crise va forcément déboucher sur d’autres crises, économiques, sociales et autres. Je n’arrive pas à me dire que d’ici 6 mois à un 1 an, on va revenir à quelque chose de normalisé. Au sens où le danger a disparu, le virus n’est plus menaçant, et tout repart. On rentre dans un cycle d’instabilité, aux différentes dimensions, et il va falloir arriver à piloter dans cette période de crise. Or, il est très difficile d’arriver à anticiper comment les choix vont se faire, et quelles seront les ressources disponibles. En tant que chercheur, je pense que l’une des clés, c’est d’investir dans la connaissance. Il faut comprendre ce qui n’a pas marché, et ce qui a marché aussi. Il faut réfléchir à ce qu’il faudrait pour renforcer les institutions, notre capacité d’action collective et aussi celle des individus. Il faut apprendre à vivre et à gouverner dans cette instabilité. C’est ça pour moi le défi.

Ce qui était déjà plus ou moins le cas : n’étions-nous pas déjà dans un état de crise permanent, ou du moins de crises à répétition ?

Oui. Mais ce qui frappe dans celle-ci, c’est l’ampleur de la réponse des pouvoirs publics. L’ampleur me semble disproportionnée avec la menace. Je ne dis pas que la menace n’est pas grave. Mais si on prend un peu de recul, qu’on regarde un peu les chiffres, si on regarde un peu ce qu’on sait de ce virus : il est grave et il y a encore plein d’inconnues. En même temps, ce n’est pas la variole, ce n’est pas la peste, ou des choses beaucoup plus graves qu’on a pu connaître dans le passé. Ce qui m’interroge vraiment, mais je n’ai pas de réponse pour le moment, c’est comment expliquer l’ampleur de la réponse, le caractère totalement démesuré de la réponse. Quand je dis ça, ce n’est pas une critique. C’est un constat. Les efforts financiers faits par le gouvernement français pour gérer cette crise sont colossaux, inimaginables même. Je n’arrive pas à penser que c’est uniquement lié au virus lui-même, et à la menace qu’il représente. Il y a d’autres mécanismes qui ont dû jouer dans cette réaction et qui renvoient à cette succession de crises. Les crises se succèdent, des crises dures, mais aussi des crises plus latentes. J’ai l’impression que cette crise-ci joue un rôle dans l’idée qu’on va s’y prendre autrement, et qu’on est capable, à un moment donné, de remettre en cause des choses dont on disait 6 mois avant qu’on ne toucherait jamais. Est-ce parce que c’est la santé ?

N’est-ce pas une manière pour l’État de se relégitimer que de s’affirmer omnipotent comme cela ?

Il y a un peu de ça. Il y a une dimension politique très claire du gouvernement actuel, qui veut utiliser cette crise effectivement pour se relégitimer. Mais en tout cas, il y a quelque chose là, qui parce qu’il est disproportionné avec la menace renvoie forcément à d’autres dimensions, d’autres enjeux politiques économiques, sociaux, écologiques. La difficulté, c’est que l’ampleur de la réponse va produire des effets. Cela va provoquer des tas de bouleversements. Et là, pour le coup, on est sur quelque chose de totalement inconnu. C’est en ça que je parlais de succession de crises à venir. On a lancé un mouvement qu’on ne contrôle plus vraiment, et qui va produire des effets en cascade. Personne n’a une idée de ce que sera la situation en France, l’économie française dans un mois, ou dans 6 mois. C’est extrêmement inquiétant.

Les gouvernements ont été très critiqués : du fait de ce caractère inédit, faut-il être indulgent, ou bien les critiques étaient justifiées ?

Les deux. A leur place, il n’est pas certain que beaucoup de gens feraient mieux. Ça n’empêche pas de garder un esprit critique pour suggérer ce qui n’a pas bien marché. Et pour suggérer que la réponse apportée est parfois soit insuffisante, soit disproportionnée. Plus ça va, et plus on va se rendre compte que la décision de confinement était disproportionnée. En tout cas appliquée à l’ensemble du pays, de façon uniforme. Cette critique-là, elle conduit à s’interroger sur comment cette décision a été prise, par qui, sur la base de quelles données, de quels éléments. Et est-ce qu’on n’aurait pas pu s’y prendre autrement ? Cette décision est prise en catastrophe le 12 mars 2020, alors que le virus est présent sur le territoire français depuis le mois de janvier 2020 et que l’on est le pays en Europe avec le premier cas et le premier décès. Il ne s’agit pas de dire qu’ils auraient dû le voir venir, parce que ce n’était pas facile à imaginer. La France, et elle n’est pas seule, a pris beaucoup de temps à reconnaître l’alerte. Et quand elle a reconnu l’alerte, c’était beaucoup trop tard. Donc, à ce moment-là, le gouvernement a eu recours à une solution extrême et inédite, qui était le confinement. Et qui n’était prévu dans aucun plan.

Peut-être la réponse s’inscrit-elle dans un rapport à la mort différent aujourd’hui : on n’accepte plus la mort ?

Je ne crois pas. Les chiffres de la mortalité du Covid-19 sont élevés, mais si on les compare à d’autres pathologies, ça reste très en deçà. On accepte les morts de la route tous les ans. On accepte les morts du cancer, on accepte plein de choses. La réponse est vraiment liée au fait que quand les pouvoirs publics en France, et dans d’autres pays aussi, ont compris ce qui arrivait, ils ont imaginé une solution nouvelle avec le confinement. La réponse dans l’urgence traduit surtout un manque de préparation.

Publié le