Quel est l’impact économique de la guerre en Ukraine pour les entreprises monégasques ? Le directeur général exécutif du Monaco Economic Board (MEB), Guillaume Rose, a répondu aux questions de Monaco Hebdo.
Combien de groupes ou d’entreprises monégasques sont présents en Russie, et lesquels vous semblent les plus exposés économiquement ?
Plusieurs entreprises implantées en principauté sont présentes en Russie et en Ukraine, mais au-delà des circuits de distribution, ce sont celles qui possèdent des bureaux ou des filiales dans ces deux pays. Celles qui seront les plus impactées par le boycott seront sans aucun doute celles qui travaillent dans le secteur de l’énergie, et notamment le pétrole et le gaz.
Plus globalement, comment jugez-vous la dépendance de Monaco à la Russie ?
L’exposition de Monaco est très faible, vraiment à la marge. Il n’y a que très peu de risques industriels, par exemple. Le Monaco Economic Board (MEB) cherchait à multiplier les réseaux d’échanges avec la Russie, mais à présent tout est au point mort.
Les sanctions économiques décidées contre la Russie auront quels effets collatéraux pour Monaco ?
Il est impossible qu’il n’y ait aucun impact sur les secteurs du tourisme et de l’immobilier de luxe, de la finance et du yachting. Cependant ceux qui ont été consultés par nos soins ne nous ont pas semblé paniquer outre-mesure. Il faut dire que Monaco est une terre qui sait attirer de nombreuses nationalités.
« L’exclusion des banques russes de Swift aura des conséquences néfastes pour la place financière monégasque, mais surtout pour son tissu économique »
Le gouvernement monégasque doit-il apporter son soutien aux entreprises monégasques les plus impactées ?
Il ne nous appartient pas de diriger la politique d’aide financière du gouvernement. Je note cependant que lors de la crise du Covid, le gouvernement a su maintenir à flot les entreprises monégasques.
Hydrocarbures, gaz, énergies : quelles pourraient être les conséquences du conflit en Ukraine sur ce plan-là pour Monaco ?
Le seul bon côté de la situation, c’est que l’Europe va être à présent tenue de développer à marche forcée l’ensemble des solutions alternatives au gaz et au pétrole, je veux bien sûr parler des énergies renouvelables. À cet égard, Monaco est un laboratoire, je le rappelle. C’est donc bien sur ce point que je pense que nous avons le moins à craindre, avec notre pari pour l’avenir de faire produire notre énergie en France largement par des centrales photovoltaïques. Cela grâce à la Société Monégasque de l’Électricité et du Gaz (SMEG), et à son partenariat avec Engie.
Grande distribution et agroalimentaire : là encore, quelles pourraient être les conséquences du conflit en Ukraine dans ces secteurs pour Monaco ?
Pour Monaco directement, là encore, je renvoie à la faiblesse de nos échanges économiques réels. En revanche, la grande distribution française est très présente en Russie et en Ukraine, où ils sont les leaders incontestés. L’enseigne Carrefour, par exemple, risque de connaître des perturbations à l’échelle mondiale.
« Concernant les quelques750 dynamiques résidents russes à Monaco, on peut imaginer des problèmes de consommation sur l’économie monégasque, ainsi que des difficultés de paiements de loyers ou autres projets d’envergure en principauté, mais aussi sur la Côte d’Azur »
Étant donné l’exclusion de la Russie du système de paiements internationaux Swift, quelles sont les conséquences pour Monaco et sa place financière ?
L’exclusion des banques russes de Swift aura des conséquences néfastes pour la place financière monégasque, mais surtout pour son tissu économique. En effet, cette mesure draconienne pourrait « empêcher » les établissements financiers monégasques d’effectuer la très grande majorité de leurs transactions financières vers la Russie, mais aussi, peut-être, de ses alliés prochainement, par exemple la Biélorussie. Par conséquent, les entreprises monégasques essentiellement dans le négoce à l’international — agroalimentaire et textile, de ressources naturelles, pétrole et gaz évidemment — seront bloquées dans leurs exportations et importations russes. L’impact se fera d’autant plus ressentir qu’un frémissement de croissance et d’espoir pour l’économie monégasque naissait, suite à la fin de la cinquième vague de Covid.
Certains des quelques 750 résidents russes installés en principauté pourraient être visés par des procédures de gels de leurs avoirs, ou même de saisies ?
Concernant les quelques 750 dynamiques résidents russes à Monaco, on peut imaginer des problèmes de consommation sur l’économie monégasque, ainsi que des difficultés de paiements de loyers ou autres projets d’envergure en principauté, mais aussi sur la Côte d’Azur.
Il y a aussi la question des échanges économiques avec l’Ukraine ?
La guerre en Ukraine va aussi avoir le même effet de blocage sur l’Ukraine pour Monaco, et « empêcher » et diminuer très fortement les échanges commerciaux. Néanmoins, pour l’économie monégasque, ce ne sont pas des pays dans le top 10 des échanges commerciaux. Donc Monaco pourra s’adapter et se montrer résilient, une fois encore. Ce qui ne sera pas le cas de la Russie, dont l’impact des sanctions économiques et notamment de l’exclusion du système SWIFT sera catastrophique sur leur économie. Le rouble a déjà perdu un tiers de sa valeur, et il est au plus bas historique par rapport à l’euro. La Banque centrale russe a dû doubler son taux d’intérêt pour soutenir sa monnaie, et la Bourse de Moscou est fermée depuis le 28 février 2022.