mardi 23 avril 2024
AccueilActualitésInternationalGroupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe — Thomas Brezzo...

Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe — Thomas Brezzo : « Il y a un équilibre à trouver »

Publié le

Le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (Greco) a adopté le deuxième rapport de conformité pour Monaco dans le cadre du 4ème cycle qui concerne la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs. La réaction du président de la commission de législation du Conseil national, Thomas Brezzo.

Le 22 mars 2023, le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (Greco) a adopté le deuxième rapport de conformité pour Monaco dans le cadre du 4ème cycle relatif à la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs : que retenez-vous de ce rapport ?

Les conclusions du rapport soulignent les efforts entrepris par les autorités monégasques pour se hisser au niveau des standards européens, et notamment les mesures prises pour renforcer l’intégrité des parlementaires, ainsi que celles visant à garantir l’indépendance des magistrats. Pour l’image de la principauté, c’est une bonne chose, notamment vis-à-vis des autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Cela tend également à renforcer la confiance des administrés et des justiciables envers l’Assemblée et la justice monégasques. On ne peut donc que s’en réjouir. En tout état de cause, ce rapport met fin à la procédure de conformité du 4ème cycle.

Pour les magistrats, quelles sont les avancées ?

Un recueil de principes éthiques et déontologiques des magistrats a été adopté. Le nombre des audiences publiques de la cour de révision a également été augmenté. Le Conseil national a par ailleurs voté la loi n° 1495 du 8 juillet 2020 modifiant la loi n° 1364 du 16 novembre 2009 sur le statut de la magistrature. Ce texte a permis de répondre à plusieurs recommandations du Greco. En premier lieu, il a permis d’inscrire dans la loi le rôle du Haut conseil de la magistrature dans la garantie de l’indépendance de la justice. Il a également permis d’étendre le dispositif d’évaluation des magistrats au président du tribunal de première instance et au procureur général adjoint, lesquels ne faisaient, jusqu’alors, pas l’objet de ladite évaluation. Enfin, il donne la possibilité au Haut conseil de la magistrature d’initier une procédure disciplinaire à l’encontre d’un magistrat, prérogative qui était jusqu’alors réservée au seul directeur des services judiciaires.

« S’agissant de la publicité des déclarations de revenus des conseillers nationaux, nous avons estimé qu’une telle publicité risquerait de porter une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée des élus, et pouvait ainsi présenter un obstacle pour certaines personnes à se présenter aux élections nationales »

Thomas Brezzo. Président de la commission de législation du Conseil national

Concernant les recommandations qui visaient le Conseil national, quels sont les progrès réalisés ?

Lors de la précédente mandature, nous avions grandement modifié le règlement intérieur du Conseil national pour répondre aux différentes recommandations. Nous avions ainsi prévu de nouvelles obligations déclaratives pour les élus, et notamment les déclarations de revenus, les déclarations de conflits d’intérêts, ou encore les déclarations de cadeaux… Nous avons encore renforcé les mécanismes de contrôle et de sanctions en cas de non-respect de ces obligations. Il prévoit encore la nomination d’un « déontologue », chargé de la bonne application de ces nouvelles obligations. Par ailleurs, le règlement intérieur a été renforcé par une charte de déontologie des conseillers nationaux, qui est venue établir un certain nombre de règles éthiques. Enfin, nous avons enrichi le site Internet du Conseil national de nombreux documents et informations concernant les travaux législatifs, afin d’être davantage transparent sur le processus législatif.

Le Greco estime que Monaco « a mis en œuvre de façon satisfaisante, ou traité de manière satisfaisante, 12 des 16 recommandations contenues dans le rapport d’évaluation du quatrième cycle » : quelles sont les quatre recommandations qui restent donc partiellement mises en œuvre ?

L’une concerne les déclarations des intérêts financiers et économiques des parlementaires. Si nous avons effectivement prévu que de telles déclarations soient faites par les élus du Conseil national, nous avons souhaité que celles-ci demeureraient confidentielles alors que le Greco souhaitait que nous les rendions publiques. La seconde recommandation concerne la composition du Haut conseil de la magistrature, qui ne compte pas une majorité de juges élus par leurs pairs. Les troisième et quatrième concernent les procédures de nomination des membres du tribunal suprême d’une part, et des juges et des procureurs détachés à Monaco d’autre part, le Greco considérant que les procédures en vigueur manqueraient de transparence.

« La principale difficulté consiste à concilier les standards du Conseil de l’Europe avec les spécificités de la principauté » 

Thomas Brezzo. Président de la commission de législation du Conseil national

Quelles sont les difficultés par rapport à ces quatre recommandations et quand seront-elles mises en œuvre ?

La principale difficulté consiste à concilier les standards du Conseil de l’Europe avec les spécificités de la principauté. Il y a ainsi un équilibre à trouver entre les exigences du Greco et les conséquences de leur mise en œuvre sur le fonctionnement de nos institutions. Ce n’est pas toujours simple. Par exemple, s’agissant de la publicité des déclarations de revenus des conseillers nationaux, nous avons estimé qu’une telle publicité risquerait de porter une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée des élus, et pouvait ainsi présenter un obstacle pour certaines personnes à se présenter aux élections nationales. Si cette règle peut être facilement mise en œuvre dans un pays comme la France ou l’Allemagne, les conséquences sont bien plus importantes à Monaco, où tout le monde se connaît. Les déclarations sont ainsi conservées dans un registre, sous la responsabilité du secrétaire général, et pourront être consultées en cas de difficultés ou dans le cadre d’une enquête.

Toutes les recommandations du Greco doivent absolument être suivies ?

En tout état de cause, les quatre recommandations restantes n’ont pas nécessairement vocation à être mises en œuvre en totalité à l’avenir. Sur les 16 recommandations initiales, il nous appartenait d’en mettre en œuvre une majorité de manière totalement satisfaisante, et un certain nombre de manière partiellement satisfaisante. Les objectifs ont largement été remplis, de sorte que Monaco a été jugé conforme aux standards du Greco, et a pu clôturer ce 4ème cycle d’évaluation.                                                                                                                                                                                                                                                            

Désormais, le 4ème cycle d’évaluation du Greco est terminé : quelles sont les prochaines étapes ?

Le 5ème cycle d’évaluation va débuter prochainement. Il concernera la prévention de la corruption et promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux — hautes fonctions de l’exécutif — et des services répressifs.

Le prince Albert II a indiqué que l’engagement de la principauté au sein du Conseil de l’Europe représente l’une des « priorités déterminantes pour l’avenir de notre pays » : quelle part peut prendre le Conseil national dans ce dossier ?

Le rôle principal du Conseil national est de voter les lois. Nous continuerons ainsi à adapter la législation monégasque aux exigences du Conseil de l’Europe, afin notamment de permettre à la principauté de respecter ses engagements internationaux. Pour autant, nous veillerons systématiquement à préserver et à défendre les spécificités monégasques.