mardi 19 mars 2024
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Élodie Chantrel : « Il faut cuisiner ce que l’on aime »

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Le 27 novembre 2022, Élodie Chantrel s’est imposée en finale du concours de cuisine amateur Maestro Chef, dans le cadre du salon Monte-Carlo Gastronomie, organisé par Caroli Com. En finale, elle a devancé l’Italien Francesco Cinquepalmi. Passionnée par la mécanique dont elle a fait son métier, elle explique à Monaco  Hebdo pourquoi la cuisine pourrait désormais être son avenir. Interview.

Qu’est-ce que vous avez ressenti lorsque vous avez remporté l’édition 2022 de Maestro Chef ?

J’ai ressenti beaucoup d’émotion. Je ne m’y attendais pas. Je pensais qu’on allait prononcer le nom de l’autre finaliste, Francesco Cinquepalmi. Mon adversaire n’a pas démérité. Il a très bien travaillé aussi.

« J’ai 41 ans, et je suis mécanicienne. J’exerce donc un métier qui n’a rien à voir avec la cuisine et la gastronomie »

Vous cuisinez depuis quand ?

J’ai 41 ans, et je suis mécanicienne. J’exerce donc un métier qui n’a rien à voir avec la cuisine et la gastronomie. J’ai grandi à Piène-Haute, un petit village situé dans la vallée de la Roya, entre Breil-sur-Roya et Olivetta San Michele en Italie. Là-bas, la cuisine est une religion. Toute petite, avec ma mère, j’ai appris à cuisiner les spécialités locales, comme les raviolis, par exemple. J’ai fait mes premières recettes à l’âge de dix ans.

Élodie Chantrel Maestro Chef
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Pourquoi ne pas vous être lancée dans une carrière professionnelle dans la cuisine ?

En 1998, être cuisinière, c’était un peu comme se lancer dans la mécanique. Pour être une femme, dans une cuisine, il fallait être un peu blindée… J’ai donc fait du service dans des restaurants pendant une dizaine d’années environ, mais jamais en cuisine. J’ai pensé à ce métier de cuisinière. Et puis, on ne se sent pas forcément capable. Il faut aller à l’école, faire un BEP, un CAP, se spécialiser…

« J’ai grandi à Piène-Haute, un petit village situé dans la vallée de la Roya, entre Breil-sur-Roya et Olivetta San Michele en Italie. Là-bas, la cuisine est une religion »

Vous avez donc choisi de vous lancer dans la mécanique ?

La mécanique était aussi vue comme un métier d’homme. D’ailleurs, ma famille n’était pas vraiment d’accord pour que je fasse ce métier. À 34 ans, je me suis dit qu’il était temps que je fasse ce que je voulais faire au départ, c’est-à-dire de la mécanique. J’ai donc démissionné de mon poste où je servais des petits déjeuners dans un hôtel. Je suis retournée à l’école. En mai 2015, j’ai obtenu un diplôme en mécanique d’opérateur service rapide, avec mention “très bien”. Aujourd’hui, je suis mécanicienne en atelier à Menton.

En parallèle, vous avez continué à cuisiner ?

J’ai toujours eu envie de faire plaisir. Or, la cuisine est un moyen de faire plaisir. Et j’ai toujours mis un point d’honneur à réussir mes recettes. Ma mère cuisinait bien. Mon grand-père travaillait sur des chantiers, il était maçon sur des barrages. Mais il arrêtait à 11 heures pour cuisiner pour tout le chantier, avant de reprendre son poste de maçon. Donc, entre ma mère, mon grand-père, et les mamies de mon village, autour de moi, tout le monde cuisinait..

Élodie Chantrel Maestro Chef
« Quand j’ai commencé à cuisiner, je tremblais, et je n’étais pas la seule… On était face à des produits que l’on ne cuisine pas tous les jours, comme l’épeautre, par exemple. Après 15 ou 20 minutes, le stress est descendu. » Élodie Chantrel. Vainqueur de Maestro Chef 2022. © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Quel type de cuisine vous aimez le plus ?

Pour le salé, j’aime bien faire des spécialités culinaires de la Méditerranée. J’adore préparer des barbajuans. J’aime aussi faire une blanquette de veau, ou une potée avec du chou. Pour le sucré, j’ai plaisir à tenter de nouvelles recettes. J’aime aussi faire le gâteau chinois, la panna cotta, la tarte au citron, aux pommes, ou aux poires, par exemple.

Les concours de cuisine à la télévision, ça vous a influencé aussi ?

Les concours de cuisine à la télévision ne m’ont pas influencé, parce que j’aime la cuisine depuis mon enfance. Au tout début, quand ces émissions sont arrivées, j’ai regardé un peu, notamment la première saison de Top Chef, en 2010, avec Cyril Lignac dans le jury. Mais aujourd’hui, je ne regarde plus la télévision.

Vous aviez déjà participé à un concours de cuisine amateur ?

Non, Maestro Chef est mon premier concours de cuisine amateur.

Pourquoi avoir décidé de participer à Maestro Chef ?

Les compliments que j’ai reçus de la part des gens que j’ai invité à manger à la maison m’ont donné envie de participer à Maestro Chef. Et puis, je suis capable de cuisiner un peu tout, y compris des spécialités qui ne sont pas de ma région, comme les cannoli ou les arancini, des spécialités siciliennes. Du coup, lorsque j’ai vu passer l’annonce du concours pour Maestro Chef 2022 sur mon fil Facebook, je me suis dit : « Pourquoi pas ? ». J’ai donc envoyé des photos de mes plats, sans penser être sélectionnée.

Maestro Chef Monte-Carlo Gastronomie
« Que l’on soit débutant ou non, que l’on ait peu de temps pour cuisiner ou davantage, je me suis donné donné pour objectif de partager des recettes variées sur mon compte Instagram. » Élodie Chantrel. Vainqueur de Maestro Chef 2022. © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Finalement vous avez été sélectionnée parmi les huit candidats qui se sont retrouvés le 25 novembre 2022 au salon Monte-Carlo Gastronomie pour disputer les quarts de finale : comment s’est passée cette première épreuve ?

J’étais un peu stressée, car je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Quand j’ai commencé à cuisiner, je tremblais, et je n’étais pas la seule… On était face à des produits que l’on ne cuisine pas tous les jours, comme l’épeautre, par exemple. Après 15 ou 20 minutes, le stress est descendu.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pendant ce concours ?

Finalement, le plus compliqué à gérer, ça n’a pas été le stress. Ça aura été de trouver des idées de plats réalisables avec les produits que l’on nous a donné. En quart de finale et en demi-finale, on a découvert le contenu de notre panier 30 minutes avant le début de l’épreuve. On savait ce qu’on devait cuisiner, donc on a eu le temps de préparer mentalement le planning de ce que l’on voulait faire. Mais en finale, il n’y a pas eu ces 30 minutes. On a découvert le panier avec du saumon, de la betterave rouge, de la blanche, des carottes, du fenouil… Il a fallu immédiatement réagir et se mettre à travailler dans la foulée.

« Je ne vais pas continuer à faire des vidanges jusqu’à 50 ans […]. Alors que la cuisine, c’est tout le temps du renouveau. C’est un art qui n’est pas si éphémère que ça, puisque tout le monde se souvient d’un très bon gâteau que l’on a mangé quand on était petit »

Quelle a été votre stratégie ?

Je me suis dit que je ne pouvais pas me contenter de faire un saumon frit avec un accompagnement. Il fallait être plus inventive, plus originale, et proposer mieux que de simples légumes bouillis ou sautés. Comment préparer mon saumon ? Poché ou saisi dans l’huile ? J’ai continué à réfléchir et à faire au fur et à mesure avec de que j’avais. J’ai confit le fenouil pour le servir avec le saumon. Avec les pommes de terre, j’ai décidé de faire un gratin. Et ainsi de suite.

En finale, il fallait aussi faire un dessert : que fallait-il cuisiner ?

En finale, pour le dessert il fallait réaliser une crème prise. Or, je n’en ai pas fait depuis plusieurs années. Je préfère faire des gâteaux que des flans. J’avais du chocolat et des agrumes, et les deux se marient bien. J’ai donc fait une crème prise au chocolat noir, avec un quart de chocolat blanc. En parallèle, j’ai confit des kumquats dans du sucre. Ensuite, je les ai déposés sur une crème, que je n’ai pas trop sucrée. Il faut dire que j’aime beaucoup les kumquats. Il faut cuisiner ce que l’on aime.

Maestro Chef Monte-Carlo Gastronomie Caroli Com
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Cette victoire à Maestro Chef pourrait avoir un impact sur votre avenir professionnel ?

Je ne vais pas continuer à faire des vidanges jusqu’à 50 ans. J’ai la même force que les hommes, mais c’est un travail qui est physique, et qui, à long terme, a forcément des conséquences. Parce qu’on soulève des charges, on est souvent dans des positions inconfortables… Ça fait huit ans que je fais de la mécanique, j’aime toujours ce métier, mais je n’ai plus la même passion qu’avant. Alors que la cuisine, c’est tout le temps du renouveau. C’est un art qui n’est pas si éphémère que ça, puisque tout le monde se souvient d’un très bon gâteau que l’on a mangé quand on était petit.

Vous aimeriez donc vous lancer dans le monde de la cuisine ?

J’aimerais essayer d’allier ma vie de famille, avec mes enfants de 16 et de 17 ans, avec la cuisine. Peut-être en trouvant un local à Sospel, qui, en attendant, ne serait ouvert que le week-end. Je vais étudier tout ça, et voir si je peux faire quelque chose. Avant même de me lancer dans Maestro Chef, je sentais que j’avais besoin de changement.

Vous aimeriez être indépendante ou travailler pour un chef ?

Si je travaille pour un chef, je serai contrainte par des horaires, et par des jours de travail qui ne correspondront pas avec la vie de mes enfants. C’est plutôt ma vie professionnelle qui doit s’adapter à la vie de la maison. Et je sais que l’hôtellerie et la restauration, c’est tout le contraire. En revanche, si je suis patronne, même si mes enfants viennent dans le restaurant, ce ne sera pas un problème.

« J’aimerais essayer d’allier ma vie de famille, avec mes enfants de 16 et de 17 ans, avec la cuisine. Peut-être en trouvant un local à Sospel, qui, en attendant, ne serait ouvert que le week-end »

En parallèle, vous souhaitez partager vos recettes sur les réseaux sociaux ?

J’aimerais publier mes recettes, des plus simples aux plus sophistiquées, sur les réseaux sociaux pour en faire profiter le plus grand nombre. Que l’on soit débutant ou non, que l’on ait peu de temps pour cuisiner ou davantage, je me suis donné pour objectif de partager des recettes variées sur mon compte Instagram.

Vous serez membre du jury pour l’édition 2023 de Maestro Chef : quel type de juré serez-vous ?

Comme j’ai été candidate à Maestro Chef, je sais ce que ressentent les candidats. Je serai donc plus attentive à la gestion de l’événement, et je serai peut-être en mesure d’identifier qui sera capable de faire ce que nous avons réussi à faire cette année. Je ferai attention à ce que les candidats de l’édition 2023 donnent le meilleur d’eux-mêmes, pour qu’ils ne regrettent rien après. Je les encouragerai et je les rassurerai. Parce qu’il est important de relativiser, et d’oublier le stress, pour donner le meilleur.

1) Le compte Instagram d’Élodie Chantrel est à retrouver par ici : @ChantrelElodie.