Edito n°1268 : Immense

Un accord historique. C’est ainsi qu’a été présenté, le 19 décembre 2022, l’accord pris à l’issue de la 15ème conférence mondiale pour la biodiversité (COP15), à Montréal. Les échanges ont été longs, puisqu’il aura fallu quatre ans aux 195 États pour s’engager à prendre des mesures jugées « urgentes ». Ces pays ont notamment décidé de protéger 30 % de la planète, de restaurer 30 % des écosystèmes, de diviser par deux les risques concernant l’usage de pesticides, et de multiplier par deux les ressources pour la protection de la nature d’ici à 2030. À ce jour, seulement 17 % des terres et 8 % des mers disposent d’un statut de protection. Objectif affiché : stopper la baisse de la biodiversité. « Beaucoup ont comparé l’accord de Montréal à l’accord de Paris pour le climat. Cette analogie est très à propos, car nous venons de faire un pas significatif pour la protection de la nature. Et sans Montréal, il n’y a pas Paris, car la lutte contre le réchauffement a besoin de la biodiversité », a expliqué au Monde Steven Guilbeault, le ministre de l’environnement canadien. En 2010, les « accords d’Aichi », au Japon, n’ont pas été couronnés de succès. En effet, entre 2010 et 2022 la situation s’est considérablement aggravée. Certaines espèces ont poursuivi leur déclin. Désormais, environ un million de plantes et de végétaux pourraient disparaître. La pollution des océans, notamment à cause du plastique, inquiète chaque jour un peu plus. D’ailleurs, dans une tribune publiée le 19 novembre 2022 dans Les Echos, le prince Albert a tiré la sonnette d’alarme. Estimant qu’il faut « mettre l’océan au cœur de notre stratégie climatique », Albert II juge que « nous détournons souvent les yeux, sans doute parce que les enjeux maritimes semblent plus abstraits. Cette myopie est suicidaire, car la mer est au cœur de la problématique climatique, comme l’a souligné le rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryosphère [la banquise, les glaciers… — NDLR] adopté à Monaco en 2019. Son rôle est essentiel dans l’atténuation du changement climatique, grâce à sa capacité de séquestration du carbone ». Résultat, aujourd’hui beaucoup d’experts estiment que la sixième extinction est provoquée par l’homme. Face à ce constat, cette COP15 a débouché sur 23 objectifs nouveaux. Si la protection de 30 % de la planète est un signal fort, beaucoup de scientifiques estiment qu’il faudra viser ensuite 50 %, sans quoi la biodiversité sera malgré tout impactée. Financer ce plan a un coût. Il a été estimé à 700 milliards de dollars par an (environ 511 milliards d’euros). Pour réunir cet argent, 500 milliards de dollars (365 milliards d’euros) de subventions jugées dangereuses pour la nature seront identifiées et supprimées, ce qui s’annonce comme un véritable casse-tête. L’agriculture sera en effet un enjeu complexe à discuter. Le reste, 200 milliards de dollars par an, devra être versé par des acteurs publics, privés, nationaux et internationaux. Cela représente le double de la somme fournie actuellement. Il est aussi prévu d’injecter 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, puis 30 milliards d’ici 2030, à destination des pays en développement. Le défi est donc à la hauteur de l’enjeu : immense.