Edito n°1246 : Désenchantement

Le 19 juin 2022, les Français de Monaco ont voté. Et ils ont très largement voté en faveur du candidat dissident de La République en marche (LREM) sortant, Stéphane Vojetta, à qui ils ont accordé 743 voix (71,37 %). Sur l’ensemble de la 5ème circonscription des Français de l’étranger, Vojetta a rassemblé 57,26 % des suffrages, contre 42,74 % à son adversaire de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes), Renaud Le Berre. Mais, au-delà de ce simple résultat, d’autres chiffres ont marqué les esprits. Notamment le niveau atteint par l’abstention. A Monaco, la participation a été de seulement 22 %, soit 1 147 votants sur 5 196 inscrits. Si on élargit sur la totalité de la 5ème circonscription, ce n’est guère mieux, puisque la participation a plafonné à 26,21 %. De plus en plus d’observateurs estiment que, désormais, l’abstentionnisme est devenu, au fil du temps, un phénomène à la fois massif et structurel. Les profils de celles et ceux qui se détournent des urnes sont invariablement les mêmes. Il s’agit, pour l’essentiel, des ouvriers, des employés, des jeunes, et des non-diplômés. Une partie de l’électorat ne croit plus dans les politiques, et n’hésite plus à leur tourner le dos, notamment dans les milieux populaires. Chez les plus jeunes, les chiffres de l’abstention sont édifiants. Selon une étude Ipsos et Sopra-Steria réalisée du 8 au 11 juin 2022, 69 % des 18-24 ans et 71 % des 25-34 ans ne sont pas allés voter au premier tour de ces élections législatives. Dans un article publié par Vie publique en mars 2022, le directeur général délégué d’Ipsos, Brice Teinturier, estime que « nous sommes face à un phénomène probablement générationnel et non d’âge. Cela signifie qu’il y a peu de chances que ces jeunes générations, qui votent de moins en moins, se [re] mettent à voter en progressant en âge dans les mêmes proportions que leurs aînés ». Dans le dossier de la semaine préparé par la rédaction de Monaco Hebdo, nous avons interrogé le constitutionnaliste et professeur à l’université de Lille, Jean-Philippe Derosier. Il propose d’agir, à travers une série de mesures, afin de contrer ces effets négatifs, et de tenter de remobiliser les jeunes. « Il faut apprendre à devenir citoyen dès le plus jeune âge. […] Il faut apprendre ce qu’est un vote, l’importance d’un vote, le sens de la démocratie… Et cela, dès le plus jeune âge, dès la maternelle, avec, bien sûr, des enseignements adaptés. Il faut enseigner aux enfants l’importance de la démocratie, pour qu’il soit naturel, quand ils auront 18 ans, de se déplacer à un bureau de vote, pour glisser un bulletin dans une urne », explique-t-il. Et pour donner une nouvelle impulsion au vote, Jean-Philippe Derosier estime aussi qu’il faudrait « regrouper le même jour élection présidentielle et élections législatives. En concentrant ainsi deux élections, qui sont d’ailleurs connectées, cela permettrait de ne mobiliser qu’une seule fois l’électorat. Et cela ne ferait pas passer les élections législatives pour des élections secondaires ». En attendant, face au désenchantement politique, qui semble lui aussi structurel, la partie est très loin d’être gagnée.