Edito n°1285 : Inclusion

Fin mars 2022, en France, le Défenseur des droits a publié un nouveau rapport d’étape, trois ans après le précédent qui s’intitulait « dématérialisation et inégalités aux services publics ». En préambule, ce rapport explique que « durant ces trois années, la transformation numérique de l’administration et des services publics s’est poursuivie, entraînant une évolution profonde de la relation à l’usager. Dans le même temps, les politiques d’inclusion numérique ont tenté d’accompagner ces changements, particulièrement auprès des publics les plus vulnérables ». Le même constat peut être fait à Monaco, où depuis février 2018 et l’arrivée de Frédéric Genta au poste de délégué interministériel à la transition numérique, l’Etat monégasque s’est lancé dans une séquence identique. Aujourd’hui, le constat dressé par le Défenseur des droits en France pourrait presque être copié-collé à la situation monégasque. En effet, il pointe que les personnes âgées sont « encore souvent éloignées du numérique », que les jeunes sont « moins à l’aise qu’on ne le croit avec l’administration dématérialisée », et que les personnes handicapées « n’ont toujours pas affaire à des services publics accessibles ». Ce rapport souligne aussi que « les majeurs protégés et les personnes détenues n’ont pas vu leur situation s’améliorer ». Autre sujet sensible : les personnes en situation de précarité sociale, qui « vivent les démarches numériques comme un obstacle parfois insurmontable, alors que ce sont celles pour lesquelles l’accès aux droits sociaux revêt un caractère vital ». Face à cette situation, en France comme à Monaco, les gouvernements tentent d’agir. Une série d’initiatives ont été lancées pour endiguer ce problème qui se révèle être protéiforme. Prenant le plus souvent la forme d’ateliers où l’on apprend à utiliser les outils numériques et parfois à dédramatiser, afin de lever certains freins d’ordre psychologique, ces initiatives sont non seulement nécessaires, mais doivent être pérennisées, selon les experts que Monaco Hebdo a pu interroger dans le cadre de notre dossier de la semaine : « C’est un chantier sans fin », estime par exemple Elie Sloïm, spécialiste de la qualité des sites Internet et patron d’Opquast, une entreprise qui délivre une certification de compétences dédiée aux professionnels du web. En effet, Internet reste un territoire mouvant. L’interface des sites évolue souvent, ce qui ne permet pas de créer des habitudes. Cela vient déstabiliser certains usagers. « Il faut garder à l’esprit qu’il y aura toujours des cas pour lesquels ça ne marchera pas. […] Voilà pourquoi il faut maintenir l’humain. Il faut maintenir des guichets. Il ne faut pas déshumaniser, en considérant que tout peut devenir automatique », ajoute Elie Sloïm. C’est sans doute le seul moyen pour que la société numérique reste inclusive.

1) Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, le rapport du Défenseur des droits, 28 mars 2022, est à lire ici, rubrique « publications », puis « rapports ».