Edito n°1274 : « Choc d’attractivité »

Comment le centre hospitalier princesse Grace (CHPG) peut-il se rendre davantage attractif, non seulement pour ses patients, mais aussi pour ses salariés ? C’est la question posée cette semaine par la rédaction de Monaco Hebdo, et à laquelle nous consacrons un dossier. Pour y répondre, nous avons longuement rencontré la directrice du CHPG, Benoîte Rousseau de Sevelinges. En ce qui concerne les patients, cela fait longtemps que l’hôpital de Monaco a compris que pour séduire de nouveaux résidents, la santé est un sujet à ne pas négliger. « Le Conseil stratégique pour l’attractivité (CSA) a lancé une étude [il y a une dizaine d’années – NDLR] pour identifier les critères que les résidents étrangers choisissaient pour établir leur lieu de résidence. Et la santé est arrivée dans les trois premiers, pour ne pas dire le premier. Tout simplement, parce que la santé est la seule chose qu’on ne peut pas acheter », glisse la directrice du CHPG. Pour atteindre cet objectif, les leviers actionnés sont multiples : achat de matériel de pointe, travail sur l’accessibilité des soins, services “premium”, création en 2016 d’une Check-up Unit, développement de la recherche et de l’innovation, numérisation, stratégie pour recruter les meilleurs professionnels, création de filières de soins par pathologie, regroupement des urgences adultes et pédiatriques… Et, bien sûr, la construction d’un « nouveau CHPG », un atout de poids sur lequel Monaco compte rapidement s’appuyer. Le ministre d’Etat, Pierre Dartout, a d’ailleurs confirmé début décembre 2022, devant les élus du Conseil national, que la phase 1 de ce futur hôpital sera terminée pour la fin de l’année 2025, et que les premiers patients seront admis au courant du premier semestre 2026. En attendant, chaque année, le déficit généré par le CHPG est d’environ 50 millions d’euros, et c’est assumé. « Je ne peux pas dire que le CHPG est rentable. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’il est utile, et que les dépenses sont maîtrisées », estime Benoîte Rousseau de Sevelinges. Avant d’ajouter : « La valeur ajoutée qui est générée par l’établissement pour l’économie est intangible, mais elle est réelle. La stratégie étant de faire installer les résidents, ils ne s’installeront pas si le système de santé ne tient pas la route. Et sur un pays de deux kilomètres carrés, ce qui est visible dans le système de santé, c’est l’hôpital. » En France, estimant que le système est « à bout de souffle », le gouvernement d’Emmanuel Macron a déposé le 6 février 2023 un amendement au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, pour rallonger de 600 millions d’euros le budget des hôpitaux en 2023. Quant à l’attractivité, pour les métiers de santé le chantier est immense. Dans une tribune publiée par Le Monde (1), les professeurs de gestion Laurent Cappelletti et Henri Savall évoquent plus globalement le « désenchantement au travail », rendu visible par « la floraison de concepts tels que « la grande démission », « la perte de sens » ou le “quiet quitting” ». Ils estiment donc qu’un « choc d’attractivité du travail » est nécessaire. En novembre 2021, un collectif d’une centaine de professionnels de santé ne disait pas autre chose (2), et alertait déjà sur cette crise de recrutement, ainsi que sur le problème de la fidélisation des professionnels de santé : « En moyenne, une infirmière n’exerce son métier que sept ou huit ans, trois ans aux urgences. » Aujourd’hui, le problème reste entier.

1) « Le manque d’attractivité du travail provoque des pertes de valeur ajoutée colossales », tribune publiée le 10 février 2023 dans Le Monde par les professeurs de gestion Laurent Cappelletti et Henri Savall.

2) Des représentants des hôpitaux d’Ile-de-France et de l’AP-HP alertent : « A l’hôpital, un véritable choc d’attractivité est nécessaire », tribune publiée le 9 novembre 2021 dans Le Monde par une centaine de professionnels de santé.